Après le succès de son premier roman, Acciaio (D’acier, en français) paru en 2010, Silvia Avallone, jeune écrivain de 30 ans publie Marina Bellezza et continue de dépeindre une Italie en perdition, touchée par la crise, entre beauté et laideur. Un roman percutant et empreint de réalisme qui bouscule les idées préconçues sur la Péninsule.
Alors que l’auteure situait l’action de son premier roman, D’acier à Piombino, ville industrielle de la côte toscane où elle a passé une partie de son enfance, elle met le cap au nord pour son deuxième roman. Nous sommes dans la Valle Cervo, une vallée piémontaise dans la province alpine de Biella, où est née Silvia Avallone.
Autrefois prospère, la vallée se meurt depuis que l’industrie lainière qui la faisait vivre s’est délocalisée. Nous sommes à l’aube des années 2000 et la région industrielle subit de plein fouet la crise. Une crise que les plus vieux ne comprennent pas et que les jeunes acceptent, résignés.
C’est dans ce contexte morose que Marina et Andrea, les deux protagonistes évoluent. Lui rejette sa famille bourgeoise et ses diplômes universitaires. Il rêve d’un retour à la terre dans la ferme de son grand-père, jadis pleine de vaches. Elle, de cinq ans sa cadette s’aventure de kermesses locales en télécrochets et se voit déjà star du petit écran. Tout les sépare, mais c’est une véritable passion amoureuse qui unit ses deux jeunes piémontais depuis l’adolescence. Un salut pour ces deux personnages qui semblent être abandonnés à leur triste sort.
Réalité sociale et critique politique
Dans ce deuxième roman, point de cliché idyllique d’une Italie bucolique, emprise d’art et de beauté, Silvia Avallone replace son pays dans la réalité moins scintillante de sa génération. La vallée se meurt et se replie sur elle-même. Pour preuve, le maire fasciste d’une ville désolée qui a su surfer sur la crise. Ou encore ces "ragazzi di vita", sans avenir ni perspectives qui trainent le soir alors que la ville est éteinte. Pas même un bar pour les accueillir. On fait aussi connaissance avec ces mères désœuvrées qui sombrent dans les méandres de la solitude et de l’alcool.
Dans Marina Bellezza, Silvia Avallone déconstruit les clichés d’une Italie révolue. Elle met en contraste la beauté du paysage alpin avec la laideur des centres commerciaux, uniques liens sociaux entre les habitants de la vallée. Les forêts flamboyantes sont toujours là, mais les villages se vident et les usines cessent de fonctionner, laissant la population dans une sorte de monde parallèle.
C’est cette réalité d’une Italie fatiguée, usée par la crise que l’auteure dépeint avec justesse. Et les rêves d’une jeunesse qui a grandi avec la télévision berlusconienne. A l’instar de Marina "née en 1990, elle ignorait tout du monde d’avant Berlusconi et des textos". Alors elle se met à s’imaginer en nouvelle star de la chanson, comme celles qu’elle voit tous les jours sur le petit écran. Son amoureux, Andrea, lui, a choisi une direction diamétralement opposée ; il rêve d’un retour aux racines, comme base d’une vie meilleure en idéalisant l’époque où son grand-père élevait des vaches et faisait du fromage.
Dans son roman, Silvia Avallone assume pleinement le côté "eau de rose". Mais c’est pour mieux décrire la réalité plus grise du contexte dans lequel vivent ses personnages. Des personnages souvent blessés par la vie comme les parents de Marina ; son père est un joueur maladif et sa mère est alcoolique. Mais la véritable prouesse de ce livre – comme le précédent – réside dans le fait qu’elle réussisse à merveille à pointer du doigt les effets de plusieurs décennies d’une politique italienne qui a abandonné toute une partie de la population. Plus qu’une critique anti-Berlusconi, c’est un appel à la jeunesse à réagir face à un pouvoir sclérosé.
Lepetitjournal.com
Marina Bellezza de Silvia Avallone. Editions Rizzoli, Mondolibri edizione. Paru le 18 septembre 2013 en italien. Edition française parue le 28 août 2014, traduite par Françoise Brun, aux Editions Liana Levi.