Où l'on découvre comment la photo d'une manifestante en train de taguer la devanture d'une agence bancaire à Milan a non seulement enflammé les réseaux sociaux italiens mais également provoqué la discorde entre le gouvernement italien et une des plus grandes marques de montres au monde.
Les 30 avril et 1er mai dernier, des milliers d’opposants à l’organisation de l’Exposition Universelle de Milan ont défilé dans la ville italienne. Ils manifestaient pour exprimer leur opposition au gaspillage d'argent public et au recours à des travailleurs précaires que suscite événement. Des incidents importants ont émaillé ces mouvements de protestation. Une minorité de protestataires (quelques dizaines) a commis des actes de vandalisme, des vitres de magasins ont été brisées, des voitures endommagées et/ou brûlées, des policiers ciblés par des projectiles. La réponse des forces de l'ordre a été, elle aussi, très musclée.
Au milieu de cette effervescence, une photo en particulier a retenu l’attention des réseaux sociaux. A tel point qu’elle est devenue une source de discorde entre ce qui reste sans doute la marque de montre la plus connue au monde, Rolex, et le gouvernement italien. Quel lien entre les émeutes de Milan et les relations entre un luxueux horloger suisse et le gouvernement de Matteo Renzi, me demanderez-vous ? Ce lien est justement contenu dans la photo en question.
La voici:On y voit une manifestante masquée, munie d’une bombe de peinture, tagger la devanture d’une agence bancaire. D’après la photo, elle porte une montre qui, semblerait-il, ressemble à une Rolex.
La photo a d’abord agité la Toile et plus particulièrement les réseaux sociaux. Les internautes italiens se sont déchirés à propos de ce cliché. Comme l’écrit le site Rue89 les débats se sont "enflammés", certains "tentant d’éclaircir à l’œil nu si la montre est une vraie ou une contrefaçon, si la manifestante est une vraie ou une contrefaçon (pardon, une infiltrée), s’il est licite de prendre la rue lorsqu’on porte une montre de luxe, etc".
Le débat est devenu tellement vif autour de cette manifestante (dont, on le rappelle, on ne sait rien avec certitude, ni sur ses motivations, ni sur sa montre) que le Premier ministre italien lui-même s’est fendu d’une boutade à son sujet. "Alors que ceux qui portent des Rolex étaient dehors en train de casser des vitrines, les amis du Parti démocrate (parti du Premier ministre, NDLR) ont pris en charge le nettoyage des dégâts", a ainsi déclaré Matteo Renzi le week-end dernier.
Une déclaration qui a poussé Rolex à réagir dans la presse italienne, via une pleine page dans plusieurs grands quotidiens ce mercredi. On peut y lire la prose de l’administrateur-délégué pour l’Italie du prestigieux horloger suisse, Gianpaolo Marini. Ce dernier s’adresse directement au Premier ministre, ainsi qu’au ministre de l’Intérieur, et demande des excuses au gouvernement:
"Si en tant que Milanais, je n’ai pu qu’apprécier le sacrifice et le dévouement des forces de l’ordre, je dois cependant exprimer mon profond regret et ma déception pour vos propos associant des ’casseurs de vitrine’ et le fait de porter une montre Rolex. [...]. L’énorme retentissement de vos déclarations a des conséquences inacceptables sur l’image de Rolex, associée à la dévastation de Milan et à l’univers de la violence subversive", y écrit-il. Gianpaolo Marini tient également à préciser qu’étant donné la "qualité des photos diffusées dans les médias, il est hautement improbable de pouvoir dire s’il s’agit réellement d’une Rolex, à plus forte raison d’une vraie". Personne ne pourra lui donner tort sur ce constat.
Et pendant ce temps, l’Expo Universelle de Milan suit son cours.
Source : rtbf.be