Désignée Capitale Européenne de la Culture en 2019 pour représenter l’Italie, la ville de Matera entend valoriser cette opportunité extraordinaire pour proposer en Europe un nouveau modèle de développement culturel et économique. Retour sur la candidature de cette ville de la Basilicate, dans le Sud d’Italie, connue pour ses Sassi, un système urbain unique creusé dans le tuf, qui a su prendre son avenir en main.
Le verdict est tombé. En remportant 7 voix sur 13 la ville de Matera a été désignée Capitale européenne de la Culture en 2019 avec la ville de Plovdiv, dont la candidature a été retenue pour la Bulgarie. Un résultat qui était loin d’être acquis, et qui a été accueilli par une véritable explosion de joie de la part des habitants rassemblés sur la place de la ville, partagés entre espoir et prudence, pour suivre tous ensemble l’annonce officielle donnée par le ministre de la Culture italien, Dario Franceschini. Il faut reconnaître que Matera avait des adversaires de taille : Sienne, Pérouse, Ravenne, Cagliari, Lecce. Pourtant, c’est le dossier de candidature présenté par cette ville de taille moyenne et finalement peu connue de la Basilicate, une région située entre les Pouilles et la Calabre, au sud de la Péninsule, qui a su s’imposer. Après Florence, Bologne et Gênes, ce sera donc Matera qui sera chargée de représenter l’Italie et de faire rayonner la culture en Europe. Et l’enthousiasme contagieux de ses habitants, qui dépasse le sentiment d’orgueil et de satisfaction accompagnant normalement une telle désignation, s’explique aussi par la valeur symbolique de cette victoire.
Le film de Pier Paolo Pasolini L'Evangile selon saint Matthieu (1964) a été tourné à Matera
Open future, Matera redessine son avenir
Matera a été la première ville du sud de l’Italie à être inscrite au patrimoine mondial de l’Humanité de l’Unesco en 1993. Une récompense qui est arrivée après un long chemin de valorisation d’un site naturel exceptionnel et d’un système urbain unique creusé dans le tuf, une roche poreuse et friable, habité depuis le Paléolithique. Il suffit de relire quelques pages du roman autobiographique de l’écrivain turinois Carlo Levi Le Christ s’est arrêté à Eboli publié en 1945 pour comprendre à quel point les conditions d’hygiène s’étaient dégradées dans les maisons des célèbres Sassi de Matera à cause de la surpopulation et de la misère. Aujourd’hui Matera est une destination touristique encore peu connue, et le titre de Capitale européenne de la Culture est certainement une bonne opportunité à saisir. Mais la valeur symbolique de cette victoire est encore plus large. Ouverture, dynamisme, innovation et, bien entendu, culture, tels sont les maîtres mots du projet présenté par Matera dans son dossier de candidature, bâti autour de l’idée forte de "Open future". La ville entend proposer un modèle de développement axé sur la culture, mais pas uniquement, qui puisse devenir un exemple en Europe pour des communes de taille équivalente.
Une capture d'écran de la vidéo "Matera 2019"
Valoriser l’énorme potentiel du Sud et de l’Italie
Paolo Verri, directeur du groupe de travail qui a préparé la candidature de Matera 2019, fort de son expérience à Turin, première capitale du Royaume d’Italie, pour les célébrations des 150 ans de l’unité italienne en 2011, est clair : "Travailler à l’organisation d’un grand événement sans être conscient des conséquences et sans en projeter les retombées c’est comme cultiver un champ sans tenir compte ni de la météo ni des saisons". L’enjeu principal pour Matera est donc celui d’utiliser l’expérience de Capitale européenne de la Culture pour construire son avenir d’un point de vue culturel et économique, un enjeu d’autant plus important que le Sud de l’Italie a plus que jamais besoin de trouver des modèles et des moteurs pour son développement. C’est d’ailleurs ce qu’a tenu à souligner le ministre Dario Franceschini en remerciant les six villes candidates : l’excellent travail de préparation des dossiers a permis à chacune d’entre elles de bâtir un projet culturel de grande haleine, d’avoir une vision d’ensemble, et c’est en suivant cet exemple que l’Italie doit travailler afin de valoriser son énorme potentiel. Rendez-vous donc à Matera et en Basilicate en 2019.
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