C’est une histoire de lignée, et d’hérédité : famille de «flics» d’un côté, de mafieux de l’autre, dont les destins se sont télescopés à deux reprises à plus d’un siècle d’intervalle. La première fois, ce fut en 1909, lorsque Giuseppe, dit «Joe» Petrosino, fut assassiné.
La seconde la semaine dernière, lorsque le nom de son meurtrier est enfin apparu au grand jour.
Aux Etats-Unis, Petrosino est une légende. En ce début du 20ème siècle, la «main noire», ancêtre de la mafia américaine, commence à inquiéter sérieusement les autorités. «Joe» est un enquêteur réputé. Sous l’autorité de Theodore Roosevelt, alors «simple» commissaire de police de New-York, il est promu patron de la brigade des homicides. Il est italien d’origine. Le berceau de sa famille est à Padula, au sud de Naples, où sa maison natale a été convertie de longue date en un musée dédié à ses faits d’armes.
100 après, une famille fête le centenaire de ce crime
En 1909, Petrosino est donc l’un des premiers infiltrés, envoyé en toute discrétion à Palerme pour attaquer le mal à la racine, et tenter de mettre au jour les liens déjà étroits unissant mafia sicilienne et main noire américaine. Sur place, le lieutenant hante les hôtels sous un nom d’emprunt, se laisse pousser la barbe pour modifier son apparence. Las, sa réputation l’a précédé, et la presse américaine a tôt fait d’éventer sa couverture.
Pétrosino décide malgré tout de rester. Le 12 mars 1909, il a rendez-vous avec indic dans le centre de Palerme. Deux tueurs l’attendent. Il est 20h45. Quatre balles claquent piazza Marina, dont la dernière mortelle. Un hommage national lui est rendu à New-York, mais aucun de ses deux assassins ne sera jamais confondu. L’omerta, déjà.
Pourtant, en Italie, une famille sait. Le 12 mars 2009, dans l’intimité, elle fête à sa manière le centenaire de ce crime pour elle fondateur. C’est ce qu’ont découvert les juges antimafieux italiens dans la cadre de l’opération «Apocalypse», une enquête débutée en 2012. C'est l’un des plus gros coups de filet de ces dernières années, qui vient de se solder par l’interpellation de 95 personnes en Italie. Parmi elles : Domenico Palazzoto, 28 ans. Un homme particulièrement loquace au téléphone, et lorsqu’il circule dans son Audi A3, mise sur écoute pendant plusieurs mois.
«L’oncle de mon père, Paolo Palazzotto, a été le premier à tuer un flic à Palerme»
C’est ainsi que les policiers italiens vont l’entendre en 2013 se vanter de l’assassinat de Petrosino. «Chez nous, cela fait plus de 100 ans qu’on est truands, fanfaronne Domenico auprès de son interlocuteur, histoire d’assoir son pedigrée mafieux. L’oncle de mon père, il s’appelait Paolo Palazzotto. Eh bien il a été le premier à tuer un flic à Palerme... Joe Petrosino, un flic américain». A l’époque, le grand-oncle en question était en effet un homme de main de Vito Cascio Ferro, célèbre parrain de Cosa Nostra, et ennemi juré de Petrosino. Un temps suspecté, Cascio Ferro, finalement acquitté du meurtre, est mort de sa belle mort en 1943.
Si, bien évidemment, l’affaire n’aura aucune suite légale, les descendants du célèbre policier n’ont pas caché leur joie que la vérité ait éclaté. «Les recherches n’avaient jamais été abandonnées», a souligné Joseph, 67 ans, son petit-neveu, ancien procureur dans le district de Brooklyn. Un autre arrière petit-neveu, également prénommé Joseph, a pour sa part salué ce rebondissement tardif, tout en regrettant «l’aura et la crédibilité dont bénéficie Palazzatto du fait de cette exécution.» «J’ai l’impression que, dans sa famille, le crime est une tradition familiale. Et en la matière, je trouve que la nôtre, qui est de servir la police et la justice, est plus honorable.»
Sources : LeParisien.fr