Vous connaissiez le partage d’espace dédié aux prestations intellectuelles. Voici désormais le partage d’espace dédié à l’artisanat d’art. Un projet ambitieux en plein centre historique de Rome qui permettra à des artisans artistes de travailler, partager, se former et exposer. Le Moulin, une initiative conçue par le Français Thomas Longhi, qui n’a d’italien que le nom.
Un prénom français. Un nom italien. De nationalité française avec une famille italienne. Des attaches en France mais une vie à Rome. Journaliste et menuisier. Thomas Longhi, qui êtes-vous ?
Je suis d’origine italienne par mon arrière grand-père. Cette composante italienne est importante dans la manière dont je me suis construit. Dans mon enfance, je n’avais d’italien que ce nom de famille, que personne ne savait prononcer. J’étais l’italien de la classe. Je suis en fait de Paris et suis venu à Rome pour mon fils dont la maman est italienne. Quand je suis arrivé, c’est comme si j’étais chez moi. Journaliste de métier, je suis devenu menuisier en passant un CAP à 30 ans pour pouvoir me déplacer plus facilement.
Vous venez de lancer un projet autour de l’artisanat d’art en plein centre historique de Rome. Pourquoi ?
Quand je suis arrivé à Rome, j’ai eu la belle surprise de découvrir la valeur accordée ici aux différentes formes d’artisanat. Le statut d’artisanat est très protégé en Italie, pour des raisons historiques et politiques. Le régime fasciste s’est posé sur le renforcement de l’artisanat et de grandes coopératives d’artisans. Une forme de repli pour se protéger des grands groupes capitalistes. Dans la culture populaire, l’artisan est une figure très valorisée, alors que dans la vie quotidienne les gens y recourent de moins en moins. Vivre de l’artisanat, c’est très difficile. Le centre de Rome s’est vidé de l’artisanat et toutes les Botteghe qui à l’origine étaient composées d’un atelier, d’une boutique et d’un logement sont désormais occupées par des magasins de vêtements ou par des pizzerias.
Le Moulin est une vitrine pour différents métiers artisanaux mais pas seulement. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Les personnes que nous souhaitons impliquer dans le projet seront toutes des artisans artistes. Un double statut qu’on retrouve régulièrement dans l’Histoire comme si c’était un besoin. Ces artisans artistes sont dépositaires de techniques artisanales qu’ils proposent au travers d’une expression artistique. Nous souhaiterions être huit avec idéalement un menuisier, un céramiste, un ferronnier, une couturière, un maître verrier et un designer.
Le Moulin leur permettra de développer ces deux aspects avec un atelier et un espace d’exposition. Un atelier dans lequel le public peut entrer et sortir librement. Quand on est artisan artiste, on travaille en solitaire, coupé des autres. C’est aussi un espace de travail technique et de formation car d’autres personnes pourront venir se former soit par passion, soit par intérêt professionnel pour apprendre des techniques plus poussées. Le Moulin est aussi un espace d’exposition sans être directement dans un rapport de vente. A Rome, il n’existe pas d’espace dédié à l’artisanat d’art. Il y a des ateliers d’artisans qui font un peu d’exposition, mais il s’agit plutôt de showroom.
Quelles sont, selon vous, les principales différences et les principaux points communs entre la France et l’Italie en matière de valorisation de l’artisanat ?
A Rome, la notion d’espace public n’a rien à voir avec celui qu’on connaît en France. L’espace privé est très présent et très protégé ; l’espace public est négligé. On retrouve cela sur les plages. Les espaces mixtes mi-privés mi-publics n’existent pas. En France il y avait les MJC et il y a toujours les maisons de la culture. Ici, les espaces sont toujours des lieux privés. L’organisation sociale est clanique.
La plus grosse difficulté a été de trouver l’information. J’ai vu six commercialista qui disaient chacun des choses différentes. Le projet ne rentre pas dans les cases de l’administration. Maintenant qu’on a trouvé des réponses administratives, il faut faire le montage.
Dès qu’on présente le projet, les gens sont très fascinés car il n’y a pas beaucoup de précédents. Le projet est perçu comme un projet très progressiste. Il n’y a qu’un étranger qui peut porter un projet pareil, sans piston et sans argent.
Aujourd’hui on a trouvé un espace, au Palazzo Cenci, grâce à des propriétaires qui nous soutiennent en mettant à disposition le lieu à des conditions très favorables. Quelques donateurs privés nous ont offert une participation, soit sous forme de prêt à taux zéro, soit sous forme de mécénat.
Comment imaginez-vous impliquer la communauté française dans ce projet ?
Je n’ai fait aucune démarche particulière auprès de la communauté française. J’imagine en faire plus tard. Dans un premier temps, ce qui compte c’est que les voyageurs puissent avoir accès à des lieux alternatifs à Rome, comme celui-ci.
Le Moulin est un projet à vocation internationale. Notre idée est de toucher davantage les étrangers et les touristes de Rome. Le site en plein Rome historique a du sens car les visiteurs peuvent venir de partout. Le Moulin n’est pas un projet microlocal. Ce qui importe ce sont les pratiques pas les nationalités.
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