Si la qualité et la valorisation des produits du terroir sont un des fleurons de l’image de l’Italie dans le monde, il existe aussi le revers de la médaille : la contrefaçon alimentaire mais également les acquisitions de plus en plus nombreuses de marques italiennes. Le patriotisme économique qui a été au premier plan lors de la dernière campagne européenne serait-il la solution ?
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L’occasion était trop juteuse pour qu’on la néglige, l’ironie du web ne pardonne pas. Il a suffi que sur la toile soit diffusée la proposition de loi présentée par le député Filippo Gallinella du M5S, où il préconisait la protection et la valorisation des produits alimentaires italiens, pour que les internautes se déchaînent. A l’origine de cette hilarité générale, un exemple mal choisi, celui du grano saraceno (le sarrasin, plus connu sous le nom de blé noir), pointé du doigt pour la prétendue "invasion" des assiettes italiennes, puisqu’il représenterait aujourd’hui 30% des farines utilisées pour fabriquer les pâtes dans la Péninsule.
En l’espace de quelques heures, un nombre impressionnant de commentaires sarcastiques fusaient sur le net : Filippo Gallinella aurait donc l’intention de partir en croisade contre cette fameuse qualité de blé -qui ne pousse pas dans le légendaire pays des Sarrasins mais plutôt dans le nord de l’Italie ? Contre cet ingrédient incontournable de la recette des pizzoccheri, une spécialité de la Valtellina en Lombardie, et très bien tolérée par les personnes sensibles au gluten ? Les explications du député en question n’ont servi à rien. De plus en plus confuses, il faut le reconnaître : "le correcteur d’orthographe a changé straniero (étranger) en saraceno", "j’ai fait un copier-coller d’un texte préexistant", "la faute avait été signalée mais personne ne l’a corrigée"…
Le patriotisme économique se renforce
L’anecdote fait sourire, certes, mais le thème du patriotisme économique est plus que jamais d’actualité en Italie. Il a été très présent tout au long de la récente campagne pour les élections européennes : de manière très nette dans les arguments de la Ligue du Nord et du M5S, de manière plus nuancée pour les autres forces en présence. Dans la conjoncture actuelle, où le taux de chômage est monté en flèche et où les entreprises délocalisent pour survivre, les justifications ne manquaient certainement pas. D’autant plus que d’après le président de Coldiretti, Roberto Moncalvo, depuis le début de la crise, la valeur des marques agro-alimentaires rachetées par des sociétés étrangères s’élèverait à 10 milliards d’euros. Dernière en date, les
pâtes Garofalo. L’annonce officielle vient de tomber, le groupe espagnol Ebro Food a acquis 52% des parts de la société. Chaque acquisition est accompagnée de l’incertitude concernant les emplois. Et le débat s’enflamme. Le débat contre les multinationales et leur stratégie industrielle, contre les nombreux produits dits italian sounding que les consommateurs achètent avec la conviction de déguster des spécialités de la Péninsule alors qu’il s’agit d’imitations.
L’agro-alimentaire, une occasion manquée ou une opportunité pour les années à venir ?
Et les consommateurs dans tout ça ? Ils sont de plus en plus avertis, c’est certain, d’autant plus que l’origine des produits est souvent indiquée sur les étiquettes, les filières sont reconnaissables et les appellations reconnues. Une question s’impose pourtant : le patriotisme économique, notamment dans le secteur agro-alimentaire, a-t-il encore sa place dans un monde de plus en plus globalisé ? Et, surtout, est-il vraiment possible de consommer uniquement des produits nationaux ? Les données diffusées par Coldiretti jettent une lumière très intéressante sur la question et permettent de l’aborder sous un angle différent : depuis 2007, la consommation de produits respectueux de l’environnement (à km 0, sans emballages, non traités par des produits chimiques…) a connu en Italie une hausse de 65% (+25% en 2013 par rapport à l’année précédente). Les consommateurs sembleraient donc privilégier de plus en plus la filière courte, les produits du terroir et de saison. Mais ce n’est pas tout : une entreprise agricole sur trois est née les dix dernières années et 6,9% des titulaires a moins de 35 ans.
Plus que par la défense à outrance de l’italianité des produits, l’avenir du secteur pourrait donc passer par cet amour retrouvé du terroir et par cet attachement à la qualité, signe distinctif de la gastronomie italienne, qui semblerait intéresser de plus en plus les jeunes générations. lepetitjournal.com