Impliqué dans une affaire de détournement de fonds qui rejaillit aujourd’hui sur toute sa famille, le leader emblématique de la Ligue du Nord, Umberto Bossi, a décidé jeudi soir de démissionner de son poste de Secrétaire général de la Lega. Depuis, les accusations de corruption pleuvent sur le Parti sécessionniste du nord de la Péninsule
Une démission éclair
L’annonce de la démission d’Umberto Bossi de la direction de la Ligue du Nord a été un véritable électrochoc pour l'Italie. "Je ne peux pas y croire, tout ça ce sont des histoires inventées par les journalistes. Pour moi, notre seul guide reste et restera Bossi", déclare une militante devant le siège du parti indépendantiste, en réaction aux questions d’un journaliste du Corriere della Sera à propos des accusations de corruption qui pèsent actuellement sur la famille Bossi.
Mais ce dernier n’a toujours eu qu’une parole : "Qui a fauté doit payer, quel que soit son nom". Car Umberto Bossi a fauté. Fauté d’avoir mélangé la vie familiale et politique. Fauté d’avoir accordé la direction des finances de la Lega à un homme d’affaires véreux. Fauté surtout d’avoir pioché dans les caisses de son parti pour des dépenses personnelles.
20 ans jour pour jour après la première véritable victoire politique des "chemises vertes" aux élections législatives du 5 avril 1992, où ils avaient obtenu 55 sièges au Parlement, Bossi a décidé de remettre sa démission. 20 ans après l’éclatement au grand jour du scandale "Tangentopoli", concernant le financement illicite des partis, la scène politique italienne est de nouveau éclaboussée par une affaire de corruption.
Les accusations
L’affaire éclate dans la presse mardi 4 avril 2012. Ce jour-là, le parquet de Milan décide de placer en examen le trésorier de la Ligue du Nord, Francesco Belsito, ainsi que deux autres membres du parti pour fraude aux dépens de l'État, recyclage et appropriation indue de biens. Les magistrats de Milan, mais également de Naples et de Reggio de Calabre, soupçonnent tout d’abord Belsito d'avoir détourné une part importante des 18 millions d’euros de remboursements électoraux accordés par l’Etat au parti fédéraliste en 2011.
Les centaines d’heures d’écoutes téléphoniques réalisées par la police italienne laissent également penser que ce dernier serait en étroite relation avec des membres du clan mafieux calabrais de la ‘Ndrangheta. Ces accusations sont fondées sur les récents investissements de Belsito à l’étranger, tels que les 4,5 millions d’euros déposés dans une banque de Tanzanie au mois de décembre 2011, avant que l’institut bancaire africain ne retourne l’argent à l’envoyeur. En cause, le manque de transparence sur l’origine des fonds.
Après avoir consacré la majeure partie de sa carrière à dénoncer la corruption des hommes politiques du sud de l’Italie, Umberto Bossi se retrouve aujourd’hui face à un paradoxe de taille. Car là, c’est son propre parti qui est accusé de blanchir de l’argent pour le compte de la Mafia.
Mais le pire reste encore à venir. Au fil des interrogatoires et des perquisitions de la police italienne, c’est cette fois-ci la famille du "Senatur" ainsi qu’un "cercle magique" de proches collaborateurs qui se retrouvent impliqués dans ces scandales de détournements de fonds.
Dans une conversation enregistrée par la police et retranscrite intégralement sur le site de l’Espresso, Nadia Degrada, responsable de la comptabilité du parti, explique à Francesco Belsito que dans les comptes de la Lega de 2011 "il y a un trou de 670.000 euros". Parmi les multiples dépenses du clan Bossi, divers achats de voitures, des frais d’avocats pour le fils Riccardo, le financement d’une école à Varese, des travaux dans la maison familiale et même des études universitaires en Suisse.
Des accusations confirmées par une ancienne comptable de la via Bellerio, Helga Giordano. Elle avait conservé dans sa maison une partie de la comptabilité occulte de la Ligue du Nord, actuellement décortiquée par la police. En attendant de savoir ce que découvriront les enquêteurs dans l’enveloppe "The family". Elle a été trouvée la semaine dernière dans le coffre-fort de Francesco Belsito à la Chambre des Députés et contiendrait les dépenses non comptabilisées du parti. Le coup de grâce pour Renzo Bossi qui a été contraint à son tour de démissionner de son poste de conseiller régional de Lombardie.
L’avenir de la Ligue du Nord
Le poste de Secrétaire général laissé vacant par Umberto Bossi, toute l’attention se porte désormais sur l’ancien ministre de l’Intérieur, Roberto Maroni, qui apparaît comme le légitime successeur du "Senatur" à la tête de la Ligue du Nord. Mais certains militants ne sont pas du même avis. Jeudi après-midi, ils étaient ainsi des centaines à crier "Buffone" à Maroni, devant le siège du parti à Milan. Pour l’instant, le principal intéressé a répondu à la presse que le plus important est "de faire le ménage au plus vite sur toute cette histoire".
En attendant, il a été chargé par le Conseil fédéral de prendre la direction opérationnelle de la Ligue du Nord, conjointement à Roberto Calderoli et Manuela Del Lago, avant la nomination d’un nouveau leader au mois d’octobre 2012. Mais au vu du déroulement actuel des événements, il est possible que le parti ne parvienne pas à survivre jusqu’à cette date.
Laurent Maurel (www.lepetitjournal.com/milan)