Le 6 avril 2009, l’Italie connaissait son plus grave tremblement de terre depuis 1980. 308 victimes, 25.000 sans abris et 10.000 bâtiments endommagés, l’Aquila était laissé pour "morte". Trois ans plus tard, quelle est la situation de la capitale des Abruzzes ? Lepetitjournal.com de Rome dresse un bilan

Un centre-ville encore à reconstruire

Vendredi 6 avril 2012, plus de 10.000 personnes ont défilé à l’Aquila. Ces dernières ont rappelé la mémoire des 308 victimes du tremblement de terre qui, en 2009, a détruit la capitale des Abruzzes et 56 villages. Une commémoration à laquelle ont aussi participé le ministre de la Cohésion nationale ou encore l’envoyé spécial du gouvernement, Fabrizio Barca.


Outre sa charge symbolique, cette marche visait à interpeller le gouvernement. En effet, à l’Aquila, des milliers d’habitants n’ont toujours pas retrouvé leurs maisons. Sur les 120.000 sinistrés, la majorité vit encore dans des immeubles provisoires en bois, perdus en pleine campagne, sans commerces et transports à proximité. 21.000 autres logent toujours dans des hôtels ou dans des casernes. Seules quatre familles ont donc pu réintégrer le centre-ville depuis le séisme. Mais seulement parce qu’elles ont elles-mêmes financé les travaux.

Trois ans après la tragédie, les travaux de sécurisation des bâtiments du centre-ville sont toujours en cours : 95% des gravats n’ont pas été déblayés, 1.100 chantiers sont encore ouverts et 900 n’ont pas débuté. Marco Morante, membre d’un groupe de jeunes ingénieurs et architectes de l’Aquila, "Collettivo 99", a d’ailleurs déclaré à l’AFP que trois années avaient été perdues et beaucoup d’argent gâché : "On aurait pu faire d’énormes économies : tous les systèmes de mise en sécurité des bâtiments seront enlevés un jour alors qu’ils coûtent de 1 à 2 millions d’euros".

De nombreuses interrogations

L’état de la ville, trois ans après le tremblement de terre, laisse perplexe : pourquoi l’Aquila est-elle, encore aujourd’hui, une "ville fantôme" ?

En juillet 2009, à l’occasion du très médiatisé G8 organisé à l’Aquila, de nombreux pays avaient promis leur aide, pour un montant total s’élevant à 300 millions d’euros. Pourtant, il semblerait qu’aucun n’ait vraiment tenu ses promesses. A l’exception peut-être de l’Allemagne, de la Russie et, plus surprenant, de la Libye. Mouammar Kadhafi aurait investi 16 millions d’euros dans la reconstruction d’un complexe hôtelier de la ville.

Enfin, on se souviendra du don de machines de réparation fait par FIAT en 2009. Ces dernières, d’une valeur de 860.000 euros, étaient destinées à la Protection civile. Mais aujourd’hui, la section locale Conapo, un syndicat indépendant de pompiers, déclare que ces moyens ne sont jamais arrivés à l’Aquila. Les engins n’auraient même pas passé la ligne du Pò. Certains se trouveraient au commandement de Piacenza et de Gênes, tandis qu’un autre attendrait encore dans le magasin des pompiers de la Via Ettore Romagnoli, à Rome.

Le sous-secrétaire à l’intérieur, Giovanni Ferrara, parle d’un "incident de parcours". Ce à quoi le responsable de l’environnement, Alfredo Moroni, répond :"Si le fait est confirmé c’est très grave. En 8 mois, on a eu le plus grand mal à transporter les gravats et les pompiers ont eu une capacité d’action réduite. Et puis, en termes de coûts c’est de l’argent jeté par les fenêtres".

Des projets audacieux

Face à tous ces problèmes et mécontentements, la mairie de l’Aquila est pourtant pleine de projets. Cette dernière souhaite en effet "reconstruire l’Aquila de manière intelligente". Soutenue par le gouvernement et par un rapport de l’OCDE, elle veut la transformer en une ville respectueuse de l’environnement. En témoignent les paroles optimistes de l’adjoint au maire, Alfredo Moroni, le 6 avril dernier : "L’idée est de faire de cette tragédie une occasion de reconstruire de manière "intelligente" et innovante tout en préservant le patrimoine de la ville. En un mot, nous pensons une ville nouvelle, moderne, profondément tournée vers l’innovation. Mais qui en même temps dialogue avec ses habitants, et respecte son histoire et son identité". Les autorités ont aussi le doux rêve de faire d’Aquila la capitale européenne de la culture en 2019

Mais, les habitants sont encore sceptiques, comme l’exprime Giuliano Guetti, retraité : "Ces grands projets, c’est bien. Mais il faudrait davantage penser au présent, à nous redonner une vie normale. L’Aquila est exactement comme Pompéi, une ville-fantôme où les touristes viennent voir les ruines". Certains, comme Giovanni Benevieri, un ingénieur de 50 ans, ne demandent qu’à y croire :"Nous ne savons pas si tous ces projets vont aboutir, mais nous devons garder l’espoir. Sans espoir, il ne nous reste qu’une chose : une ville morte".

Jeudi 5 avril, le président Napolitano, lui-même, a sollicité une impulsion à la renaissance de la ville. Le jeu est aujourd’hui entre les mains du gouvernement, puisque Mario Monti a confié au ministre pour la cohésion économique, Fabrizio Barca, le travail de médiation. Dorénavant, ce sera donc à lui de mener la reconstruction, de la phase d’urgence à celle ordinaire.

Enfin, les 6 et 7 mai 2012, l’Aquila connaitra ses premières élections municipales depuis le tremblement de terre, un véritable espoir de changement pour ses citoyens.

Victoire Maurel (www.lepetitjournal.com/rome)

PS Chacun doit se souvenir des promesses de l'ex 1er Berlusconi qui s'était engagé à ce que tous les habitants soient reloger dans des conditions décentes....