Les femmes en Europe comme en Italie sont tout autant qualifiées que les hommes, et parfois même plus. Pourtant quand on regarde les chiffres, elles sont plus touchées par le chômage et leur salaire à qualifications égales est bien souvent inférieur à celui de leurs collègues masculins. Alors qu’un dispositif législatif tente de protéger les femmes de la discrimination, pour quelles raisons les inégalités persistent ?
Une situation critique selon les données statistiques
Selon les données de l’Istat pour
l’année 2010, 54% des italiennes sont au chômage. Si en France 60% des femmes travaillent (et en moyenne 57% en Europe) en Italie, elle ne sont que 46% à pratiquer une activité professionnelle. Parmi ces femmes 15% abandonnent leur travail après la naissance de leur deuxième enfant. Le classement 2010 du World Economic Forum "Gender Gap" sur la parité classe l’Italie 74e sur 135 pays (la France se classe 46e). Plusieurs raisons sont à l’origine de ce taux de chômage élevé, notamment les pressions sociales qui peuvent peser sur les mères de famille de la part de leur employeur ou de l’Eglise, mais encore par manque de structures sociales adaptées leur permettant de mener de front vie familiale et professionnelle.
En 2008, un article de la Repubblica dressait une carte de la situation des femmes sur le marché du travail. Parmi les 46% d’italiennes qui pratiquent une activité professionnelle les conditions de travail sont très différentes. Sept millions des femmes exerçant une activité professionnelle ne sont pas déclarées. Dans le sud de l’Italie environ 34% des femmes travaillent contre 70% dans le nord. Entre 35 et 44 ans, elles sont 75% à exercer une activité professionnelle dans le nord, pour 68% dans le centre et 42% dans le sud.
Mais le problème de l’Italie n’est pas seulement que les femmes sont, avec les jeunes, les catégories sociales les plus touchées par le chômage, mais bien qu’il existe une différence de traitement entre les femmes et les hommes dans le monde du travail. Selon des données révélées par la présidence du Conseil, une femme cadre supérieur voire en poste de présidence gagnerait 26,3% de moins qu’un collègue masculin. Une femme gagnerait donc seulement les trois quarts du salaire d’un homme pour le même poste et les mêmes qualifications. Selon le Gender Gap, les cadres supérieurs, professions libérales et juristes seraient composés de 33% de femmes pour 67% d’hommes. Les femmes travaillent majoritairement dans l’éducation : 95% dans le primaire, 67% dans le secondaire et 35% dans le supérieur. Elles représentent 47% des travailleurs sans qualifications. Il est donc clair que certaines catégories professionnelles sont majoritairement masculines tout particulièrement celle à hautes qualifications.
Pour Romana D’Anbrosio, 39 ans et avocate, la différence de traitement ne s’est pas trop faite sentir, cependant elle reste consciente que cette situation existe. "Au début de ma carrière je n’ai pas vraiment vu de différence de traitement entre moi et mes collègues hommes. Mais avec le temps je me suis rendue compte que ces différences existaient. Dans le milieu du Droit être un homme rend souvent les choses plus faciles. Dans l’association où je travaillais, une femme était présidente sur le papier mais en réalité elle n’avait pas de poids en terme de prise de décision, et l’environnement était très masculin. En ce qui concerne la différence de salaire, étant de profession libérale je n’ai pas eu ce problème mais il est vrai que les discriminations existent ".
Quand on regarde ces statistiques, il semble évident que la parité entre homme et femme dans le milieu professionnel n’est pas acquise. Pourtant de nombreuses normes sont en vigueur pour garantir l’égal accès de tous au travail et surtout l’égalité de traitement entre homme et femme sur le marché du travail.
Entre lois et associations, un combat qui dure
De nombreuses normes ont été créées pour protéger les droits de la femme dans le domaine familial comme professionnel. Au niveau européen par exemple, l’adoption en 1989 de la Carte communautaire des droits sociaux et fondamentaux des travailleurs et celle de la directive de 2010 sur l’application du principe de parité entre homme et femme qui exercent une activité professionnelle, viennent garantir la protection du droit du travail pour les femmes. La législation italienne a elle aussi mis en place des mesures de protection des droits de la femme comme le fait l’article 37 de la constitution italienne.
Si la législation semble progresser vers une protection toujours plus complète du droit à l’égalité de traitement entre hommes et femmes, les associations sont elles aussi très actives et s’efforcent de sensibiliser les femmes mais aussi les hommes à ce problème qui touche plusieurs pays. Ainsi l’association internationale DIRE (Donne Italiana Rete Internazionale) organise régulièrement des conférences et débats sur la question de la parité en Italie et la situation de la femme. Cette association créée par des professionnelles italiennes travaillant à l’étranger (ingénieurs aéronautiques, cadres supérieurs, médecins…) regroupe plusieurs italiennes expatriées désireuses de mener ce combat pour la parité et de faire changer les mœurs.
Si la discrimination freine le parcours professionnel de certaines femmes, elle devient également un handicap pour le développement économique de tout un pays.
Origine culturelle et conséquences de la discrimination envers les femmes
On oppose trop souvent le rôle de mère à celui de travailleuse, et beaucoup de femmes renoncent à poursuivre une carrière professionnelle ambitieuse pour pouvoir s’occuper de leurs enfants, car l’image de la mère débordée ou trop absente est fréquemment assimilé à celle de la mauvaise mère. Et malheureusement ces discours ne sortent pas de la bouche des hommes. Ainsi, pour de nombreuses raisons certaines professions sont plus féminisées, comme l’enseignement ou la santé, liée à la fois à la flexibilité du temps et à l’image maternelle. A l’inverse d’autre professions seront considérées comme particulièrement viriles. Pour Romana D’Ambrozio, en Italie ce schéma se vérifie tout particulièrement : " Ce qu’il se passe surtout en Italie c’est que certains milieux sont très masculins et de fait les femmes sont peu nombreuses à relever le défi. Par exemple, le droit pénal est une branche très masculinisée car dans l’esprit général il faut être un homme pour faire du droit pénal ; d’ailleurs je me suis orientée vers le civil en entendant et constatant la véracité de ce genre discours. Par contre, la magistrature et le civil est largement féminisée. A Rome par exemple, la magistrature compte 60% de femmes." Le système de reproduction sociale est tel, que peu de femmes s’aventurent à pratiquer des métiers dits masculins. Si les frontières tendent peu à peu à tomber il n’est pas toujours facile pour une femme de s’intégrer dans un univers qui lui a fermé ses portes pendant des années.