En Italie, une véritable révolution culturelle serait-elle en train de se produire, lentement mais sûrement, pour briser ce fameux plafond de verre qui empêche les femmes d’accéder à des postes clefs ? Si Matteo Renzi semble avoir pris le taureau par les cornes pour les candidatures aux élections européennes et pour les récentes nominations à la tête des plus importantes entreprises publiques du pays, d’autres signaux encourageants montrent que le vent a tourné. Même si le chemin à parcourir est encore long.

Pour Matteo Renzi, il s’agissait d’un véritable casse-tête. Remplacer les présidents et les directeurs généraux des principales sociétés publiques en misant sur les compétences, certes, mais également sur ce renouveau dont il a fait sa devise. Il était temps, puisque certains étaient en poste depuis pas moins de 9 ans, voire 12 ans. Il a donc choisi de dérouter, en nommant trois femmes à trois postes clefs au sein de sociétés publiques de taille, des géants de l’énergie tels que l’Enel (Patrizia Grieco) et l’Eni (Emma Marcegaglia) mais encore La Poste (Luisa Todini). Une petite révolution qui est venue s’ajouter à l’annonce du plafonnement salarial fixé à 238.000 € pour les présidents de six sociétés et de tout le secteur public en général à la tête duquel de nouveaux dirigeants viennent d’être nommés. Trois femmes donc, pour encourager cette mixité au sein de la direction d’entreprise qui fait souvent défaut en Italie. Ce n’est pas un hasard si la directrice de l’édition italienne du Huffington Post, Lucia Annunziata, qui est pourtant rarement tendre envers Matteo Renzi, a salué cette décision qui a, à ses yeux, le mérite de dépasser l’éternelle question de l’opportunité – ou non - de l'introduction des quotas de femmes en entreprise ou en politique.
Une capture d'écran du quotidien La Stampa annonçant les noms des cinq candidates têtes de liste du PD
Les "quote rosa"
Fallait-il introduire les quotas de femmes dans la nouvelle loi électorale sur laquelle le Parlement italien est en train de travailler depuis que la loi précédente a été déclarée inconstitutionnelle ? Le débat a fait rage, de nombreuses femmes députés se sont rebellées face à la décision de ne pas y avoir recours pour respecter le veto imposé par le parti de Silvio Berlusconi qui reste, tout en étant à l’opposition, le principal interlocuteur du gouvernement pour mettre en place une réforme de cette envergure. Si à cette occasion Matteo Renzi avait fait profil bas pour éviter l’affrontement avec Forza Italia, il a décidé de mettre cartes sur table au moment de présenter les listes du Parti démocrate pour les élections européennes du mois de mai prochain. On y trouve 40% de femmes et, surtout, cinq candidates têtes de liste : Alessia Mosca (Nord-Ouest), Alessandra Moretti (Nord-Est), Simona Bonafé (Centre), Pina Picierno (Sud) et Caterina Chinnici (Iles). S'agit-il d'une simple stratégie électorale ou faut-il y voir le fruit d'une conviction profonde ? Une chose est sûre : le message est clair et le traitement de choc imposé à la vie publique ne peut qu’entraîner des conséquences politiques positives pour cette parité dont on parle tant. Il n’en reste pas moins que les obstacles à surmonter sur ce chemin sont encore nombreux.
Une "vague rose" féminine
Une véritable révolution culturelle est en train de se produire. Elle a beau être à deux vitesses en fonction des régions, les données concernant l’entrepreneuriat au féminin diffusées par l’Observatoire d’Unioncamere, l’organisme qui rassemble les Chambres de Commerce italiennes, sont encourageantes. D’une part en 2013, à la tête d’une entreprise italienne sur quatre il y avait une femme et, d’autre part, il faut également considérer que dans certains secteurs comme le tourisme, la santé et le soin des personnes la leadership féminine varie de 30 à 50 %. Certes, un certain nombre d’indicateurs montrent à quel point, au cours des dernières années, la crise s’est durement fait sentir et que les femmes n’ont pas été épargnées, loin de là. Sans oublier la difficulté des jeunes, mieux sensibilisés au thème de la mixité, à entrer sur le marché du travail. Pourtant le changement est en cours, même si la route à parcourir est encore longue, notamment par rapport à d’autres pays de l’Union européenne. Christine Lagarde n’a d’ailleurs pas hésité à pointer du doigt l’Italie et ses politiques encore insuffisantes pour encourager l’entrée des femmes dans le monde du travail. Une opportunité manquée, puisqu’aux yeux du directeur du FMI, les revenus du travail féminin pourraient contribuer à faire repartir l’économie.

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