"Tu quoque mi fili", quatre mots qui sonnent vague dans le souvenir d’une leçon de latin prennent soudainement réalité. De récentes découvertes archéologiques lèvent le voile sur le lieu exact où ils auraient été prononcés. Elles situent ainsi l’endroit précis où Jules César, le plus célèbre des dictateurs antiques, aurait succombé aux 23 coups de couteaux des traîtres sénateurs
Attention à la marche en descendant du tram
L’immanquable Largo di Torre Argentina au cœur du centre historique de la capitale, a le triste privilège d’avoir abrité un mythique assassinat. Pensez-y désormais en traversant cette place bondée où les touristes et les autobus se croisent indifféremment. Jetez un œil aux ruines éparses et accordez une pensée aux années de recherche qui ont abouti récemment à cette fascinante conclusion : c’est précisément là, où le tram 8 s’arrête que l’histoire de l’Occident a été bouleversée.
Antonio Monterroso, archéologue du Conseil National pour les recherches espagnoles, à l’origine de la découverte, a centré ses études sur une hypothèse déjà établie. L’actuel Largo di Torre Argentina est l’hériter de la ʺCurie de Pompéeʺ où l’on identifiait déjà la mort de Jules César en 44 avant Jésus Christ. L’édifice, construit en 55 av J.-C., comprenait un théâtre célèbre dont l’on discerne encore les vestiges.
S’il est possible aujourd’hui de dessiner les détails du bâtiment, la reconstitution de l’assassinat n’a pas été une mince affaire pour les archéologues. A se fier à la parole historique des témoins et des héritiers de cette tragédie, César se serait déplacé vers la statue de Pompée tandis que les conjurés fermaient le cercle autour de lui. A ce même endroit, à la place de la statue qui trône aujourd’hui au Palazzo Spada, un édifice aurait été construit en guise de mémorial par son héritier Auguste. Or la connaissance de ce dernier monument donne un indice crucial : sa présence physique a été identifiée par Antonio Monterroso et Jean-Michel David, professeur d’histoire à la Sorbonne, en vient aux mêmes conclusions.
Rendons à César…
Ainsi, les marques d’une structure de ciment de trois mètres de large et deux de haut, entre les édifices de la zone sacrée du Largo Argentina, donnent raison aux récits et répondent à l’historien. Bien qu’encore quelques preuves manquent pour certifier à 100% la découverte – il faut s’assurer désormais que le matériau est bien contemporain d’Auguste - elle est propice à rappeler la richesse d’un passé dont les murs témoignent à chaque coin de la ville.
Les rebondissements du meurtre de Jules César, s’ils ont été repris par tous les genres de la littérature et du cinéma, n’en sont pas moins extraordinaires dans les propres faits historiques. Rappelez-vous comment son entourage proche et ses hommes de confiance, apeurés à l’idée de la dictature perpétuelle, ont organisé un complot. Lui-même, qui pensait être trop vieux pour en être l’objet, aurait négligé les présages et même les cauchemars de sa femme ! Aux Ides de Mars exactement - le 15 du mois- Brutus, fils de la maîtresse de César et adoré de ce dernier, donne le signal d’attaque en comptant sur la surprise de son protecteur. Il amène sa propre fédération de sénateurs à porter un coup fatal à la dictature, au nom des principes républicains.
Les 23 coups de couteaux mortels, portés par le défilé de conjurés, est entré dans l’Art et dans les représentations occidentales comme bien d’autres souvenirs antiques visibles à Rome. Celui de la mort de César est immortalisé par le peintre italien Vicenzo Camuccini et se trouve aujourd’hui à Naples au musée de Capodimonte. Ceux qui résident de l’autre côté des Alpes pourront admirer une œuvre semblable au Musée d’Orsay à Paris : Louis-Léon Gérôme a représenté la scène presque à l’identique. Cette densité tragique a inspiré certains réalisateurs, notamment dans les studios recyclés de Gladiator : l’allemand Uli Edel a tourné en 2002 une reconstitution épique de cette même scène. Observez ici un extrait de Jules César où figure la célèbre actrice italienne Valeria Golino.
source: Le Petit Journal