La Camorra est la puissante mafia de Naples. Moins organisée que dans les années 1980, son poids sur les consciences et sur l’économie est encore prépondérant. Malgré les arrestations et les coups de filet policiers, l’Etat n’arrive pas à endiguer ce phénomène. La Camorra reste encore l’unique solution pour espérer s’en sortir à Naples

La mafia est un concept que l’on associe très souvent à l’Italie mais elle est aussi un cliché tenace pour tous les italiens. Cet inconscient collectif est certainement la cause des films de Francis Coppola (le Parrain I, II et III) qui ont mis des images sur des mots et des faits. Dans cet imaginaire, Naples est la place forte de la mafia. C’est dans cette ville qu’est née l’organisation, certainement au début du XIXème siècle quand l’Espagne a dû quitter la région. L’ancienne milice ibérique composée de gardes locaux, aurait continué d’exercer son contrôle et se serait développée petit à petit pour devenir un réseau bien organisé. Aujourd’hui, la mafia napolitaine, la Camorra de son nom, est connue au quatre coins du monde. Ses meurtres, sa corruption ou la crise des déchets (2008) ont accru sa légende et assis son contrôle sur toute la Campanie.

Le livre de Roberto Saviano, "Gomorra", témoigne à merveille des réalités de cette association en bande secrète. Pourtant, bien loin des clichés véhiculés dans le monde, la mafia se révèle plus complexe qu’elle n’y parait, surtout à Naples. Même si à ces débuts, la hiérarchie verticale prévalait (allant de la base composée de petits voyous et trafiquants au sommet avec le camorrista comme chef du réseau), elle est aujourd’hui dépassée. La guerre des clans est passée par là, laissant de nombreux morts sur les trottoirs et caniveaux de la ville. Les années 1980 voyaient inexorablement augmenter la violence, les assassinats gratuits et la lutte entre le clan Cutolo qui voulait imposer sa hiérarchie, faisant des centaines de morts chaque année (le record étant de 264 en 1982). Par la suite, faute de trouver de réel chef de clan, les familles se sont multipliées créant une hiérarchie horizontale et multiple. Le nombre exact est difficile à définir, mais les sources de la police italienne font état d’environ 270 familles qui luttent pour le pouvoir avec plusieurs milliers d’associées impliqués. Les femmes arrivent aussi au pouvoir, tant le nombre d’hommes morts ou arrêtés est conséquent. Pourtant, malgré ces évolutions, le principe n’a pas changé, la réussite non plus.

Digne d’une multinationale

La force de la Camorra, s’est d’avoir su s’accaparer toutes les sources de revenus de la Campanie tout en se diversifiant. Le média Europress estime à 12,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, son revenu annuel. La Mafia est partout et nulle part à la fois. Grâce au réseau qu’elle s’est construit, elle contrôle la contrefaçon, les déchets de la Campanie, le trafic de cigarettes, la drogue, les fraudes aux subventions européennes, le béton et la prostitution. Grâce aux fonds récoltés, elle investit même dans des secteurs légaux ce qui la rend visible mais intouchable par les forces de police. Elle a énormément investi à l’étranger, notamment sur la côte méditerranéenne espagnole où elle contrôle le tourisme balnéaire. C’est aussi dans ce pays qu’elle organise le trafic de drogue entre l’Amérique du sud et l’Europe. Mais c’est surtout grâce à trois secteurs que la Camorra pérennise ses affaires.

Il y a d’abord l’extorsion aux populations appelée le pizzo. C’est une somme d’argent réclamée aux commerçants et artisans pour s’affranchir des problèmes de sécurité. Le refus n’est pas toléré car en cas contraire il y a de très forte chance que le commerce ou l’habitation se retrouve visé par des représailles et soit rayé de la carte ensuite. C’est ce moyen de pression qui pousse les habitants à obtempérer sans résistance par crainte de tout perdre.

Le trafic des déchets est la seconde source de revenus de la Camorra. Elle contrôle tout le secteur de la Campanie. Du coup, elle fait aussi affaire avec les riches industries du Nord du pays. Elle récupère leurs déchets pour les enterrer dans les sous-sols de la région de Naples. L’environnement est souillé, les populations fortement exposées mais la Camorra en tire d’énormes bénéfices. Il faut dire que cela arrange bien les industries du Nord qui se débarrassent ainsi d’encombrants déchets à un moindre coût. Même la révolte de 2008 des Napolitains face aux risques sanitaires n’y a rien changé.

Mais l’essentiel de ses revenus vient de son monopole dans le domaine du béton. De la fabrication à la vente, en passant par la production, elle a éliminé tous les intermédiaires. C’est elle qui fixe les tarifs, du terrain mais aussi de la vente et qui choisit où et quand doit être construit, détruit ou refait tel ou tel édifice. Toutes les entreprises touristiques, les hôtels quatre étoiles et autres bâtiments de luxe ont dû se résigner à partir.

Le choix de la survie

Si la mafia se perpétue depuis plus de deux siècles à Naples, c’est que l’Etat n’a pas su s’y opposer avec efficacité. Au contraire, certains politiques préfèrent s’associer aux familles pour gagner le droit d’être élus sans tracas. Le marché est simple, des voix contre des marchés publics accordés. La Camorra profite aussi de ces marchés publics pour toucher des subventions européennes qu’elle détourne à d’autres fins. Il faut bien comprendre qu’elle est partout, et que les chances de s’en sortir seul sont sans réussite. La Campanie souffre économiquement, comme tout le Mezzogiorno (le sud de l’Italie). Le fruit des activités de la mafia est donc redistribué dans un réseau de solidarité. Elle réalise de fortes dépenses dans des commerces de quartiers défavorisés pour des familles en difficultés. En plus de l’enrichissement facile, elle permet une mobilité sociale quasiment impossible à imaginer sans son aide. Des familles qui n’ont aucune chance au départ avec le chômage, les problèmes scolaires et le manque de revenus, se voient offrir la possibilité de devenir commerçant, restaurateur, propriétaire. La mafia garantit la satisfaction des besoins essentiels pour une très grande majorité de la population, ce que l’Etat ne peut garantir.


L’omerta ou la loi du silence

La population a donc bien du mal à s’opposer à ce modèle. C’est la grande loi du silence imposée par la contrainte, appelée l’omertà. Cette contrainte n’est pas visible car aucune menace n’est proférée. Les règles sont pourtant connues de tous. Si une personne ose révéler des secrets de la Camorra, elle risque la mort ainsi que ses proches. On préfère donc se taire pour ne pas mettre en péril sa vie et celle de sa famille. Même si les crimes sont beaucoup moins nombreux que dans les années 1980, les rappels à l’ordre peuvent être spectaculaires. En 2008, sept immigrés africains sont tués au hasard dans Naples avec quelque 130 tirs effectués. On reprochait aux trafiquants noirs d’essayer de s’approprier la ville. Les images ont tournés en boucle dans toutes les télévisions italiennes et cela n’a fait que renforcer ce sentiment d’omertà. Bien qu’ayant abandonné la hiérarchie verticale, la Camorra est toujours aussi redoutable. La multiplication des clans continue mais on attribue aujourd’hui à la famille des Calalesi le monopole de la ville (ce serait en réalité le regroupement de sept familles). Les alliances se font et se défont, mais rien ne change. La Camorra recule depuis quelques années car les arrestations et les meurtres ont puisé dans ses ressources humaines. Sa puissance économique et son influence sur les consciences la rendent pourtant toujours incontournable

L'influence de la Camorra ne se limite pas à la Campania, elle est européenne voire mondiale....des arrestations ont eu lieu à Rome, Milan, Dresde..ecc...

Seule une vraie et très forte volonté politique pourra venir à bout des ces mafias qui s'appellent aussi la 'Ndrangheta calabraise, la mafia sicilienne sans parler de l'influence des organisations du Montenegro et de l'Albanie...

Et la fin n'est pas pour demain...ce n'est pas le pouvoir en place qui agit...