MONT BLANC – Crise diplomatique franco-italienne sur le toit de l’Europe
Ça chauffe sur le Mont Blanc ! Le contentieux entre la France et l’Italie quant au tracé de la frontière sur le plus haut sommet d’Europe fait de nouveau parler de lui. Une simple affaire de signalisation a fait ressurgir les querelles sur ce morceau de montagne qui dure depuis plus de 150 ans.
Que se passe-t-il au sommet du Mont Blanc ? Une guerre va-t-elle éclater entre la France et l’Italie ? Une guerre armée, c’est peu probable mais une guerre diplomatique oui ! Les deux pays vivent actuellement un nouvel épisode de l’interminable contentieux entre l’Hexagone et la Botte concernant la frontière dans le massif du Mont Blanc.
En cause, le blocage de l’accès au glacier du Géant depuis le refuge Torino sur mandat du maire de Chamonix, Eric Fournier. Ce refuge italien est considéré par les autorités françaises comme étant sur le territoire français. Il ne s’agit pas là d’empêcher les Italiens de passer la frontière, mais d’une mesure de sécurité sur une partie du territoire français. Une barrière a été positionnée afin d’empêcher l’accès.
Mais voilà : l’Italie estime, elle aussi que cette partie du territoire est sienne ! "Ils ont enlevé les avis de danger que nous avions positionnés après l’afflux massif de touristes les derniers mois" explique Fabrizia Derriard, la maire de Courmayeur, première commune italienne de l’autre côté du massif du Mont Blanc.
Une frontière contestée
On pensait les conflits frontaliers réglés en Europe. Mais c’était sans compter sur ce petit bout de montagne revendiqué aussi bien par les Français que par les Italiens. Ce nouvel épisode est donc loin d’être anecdotique même s’il porte à rire. En ce qui concerne l’exemple du refuge Torino, la frontière passe en-dessous d’après les Français. Alors que pour les Italiens, la frontière se situe au centre du glacier, soit 300 mètres plus haut.
Le journal AostaSera.it a décidé de mettre les points sur les i : "Le Mont Blanc n’est pas français !" titrait-il. L’historien Giorgio Aliprandi, historien déclarait dans ses colonnes : “Pendant cent cinquante ans Courmayeur et l’Italie se sont laissés soustraire environ 500 mètres carrés – l’équivalent de l’Etat du Vatican – sans rien dire. Il est temps de résoudre le problème”.
Au-delà de cet aspect diplomatique, la question de la responsabilité civile et pénale se pose si des accidents survenaient dans cette zone contestée. Pour la France : pas de problème ! Le glacier est entièrement situé sur son territoire et relève donc de la loi française. Mais cette fois-ci, la région du Val d’Aoste a demandé l’intervention du gouvernement italien.
Mais qui a raison alors ?
La réponse démagogique voudrait que l’on réponde "tous les deux". Mais cela ne règlerait rien. La réponse se trouve dans l’Histoire. Et pourtant là encore, la question est difficile à trancher, l’Histoire étant par essence partisane. Mais tentons une explication !
Au commencement, pas de problème de souveraineté concernant le Mont Blanc puisqu’il est situé entre le duché de Savoie et la vallée d’Aoste qui font tous deux partie des Etats de Savoie, partie intégrante du royaume de Sardaigne. Mais l’arrivée de Napoléon en 1792 et les annexions de la Savoie et de Nice par la France suite au Traité de Paris vont pour la première fois placer une frontière étatique à travers le massif. Après la débâcle de l’empereur français et son exil sur l’île d’Elbe, le calme revient sur le Mont Blanc, la partie orientale de la Savoie étant restituée au royaume de Sardaigne.
Mais au moment de l’unité italienne, le roi Vittorio Emanuele II reçoit l’aide militaire et diplomatique de la France. En contrepartie, la Savoie et le comté de Nice sont cédés à la France par le Traité de Turin du 24 mars 1860. Différents protocoles viendront détailler les nouvelles frontières. Une carte est même établie et même si les cotes sont imprécises, la frontière administrative est tracée sur les points les plus élevés du massif et coupe donc la calotte du Mont Blanc en deux.
Mais en 1865, un cartographe de l’armée française est chargé de dresser la carte d’Etat-Major pour le massif du Mont Blanc. C’est la première fois qu’un tracé alternatif est imaginé et la frontière fait un crochet qui contourne les glaciers du Mont Blanc plaçant ce dernier entièrement en territoire français. Cette carte sera ensuite reprise par l’Institut Géographique National. Parallèlement, l’Italie édite l’Atlas sarde de 1869. Il établit que la frontière passe le long de la ligne de crête, faisant du Mont Blanc une frontière.
Depuis, aucun arbitrage réel n’a été fait malgré différentes tentatives depuis 1946. Des commissions transnationales ont bien essayé mais ont fait chou blanc. Le conflit risque donc de durer encore longtemps !
Lepetitjournal.com