PARLEMENT EUROPEEN – Alliance Grillo-Farage : les liaisons dangereuses
Le MoVimento 5 Stelle, grand perdant au niveau national du scrutin européen s’inscrit tout de même dans une dynamique eurosceptique qui a bousculé le continent le 25 mai dernier. Avec 17 eurodéputés, le mouvement de Beppe Grillo cherche à faire des alliances afin de former un groupe parlementaire et peser à Bruxelles. Une première union vient d’être officialisée avec l’Ukip, le parti d’extrême-droite britannique, grand vainqueur du scrutin au Royaume-Uni. Une alliance, certes renforcée par le vote en ligne des militants mais qui fait grincer certaines dents.
Les militants du MoVimento 5 Stelle ont tranché. Jeudi 12 juin dernier, ils ont scellé une alliance de leur parti avec l’Ukip, le parti de droite europhobe britannique du très médiatique Nigel Farage, au Parlement européen. Comme à son habitude, le mouvement avait organisé un référendum en ligne sur son blog. Trois issues étaient alors proposées : adhérer au groupe Europe libertés démocratie (ELD) emmené par l’Ukip, s’allier aux Conservateurs et réformistes européens (ECR) ou rester dans le groupe des non-inscrits.
Le résultat a été sans appel. Sur 29.000 votants, 23.000 ont suivi les recommandations de leur maître qui les sommait de suivre le tribun britannique pour une alliance forte. Cela représente un peu moins de 80 % des voix alors que 12 % des militants se sont prononcés en faveur d’un status quo et souhaitaient rester avec les non-inscrits. Enfin, environ 10 % des voix balançaient vers une alliance avec les conservateurs.
Il faut dire que Beppe Grillo avait mis le paquet. Avant de se prononcer, les électeurs 2.0 ont eu droit au visionnage d’un film d’animation de propagande dans lequel il leurs était expliqué pourquoi l’adhésion à tel ou tel groupe parlementaire allait dans le bon sens. L’accent a été mis sur l’inutilité de siéger au milieu des non-inscrits européens. Le clip rappelle que sans groupe parlementaire, le MoVimento 5 Stelle et ses 17 eurodéputés ne pourraient accéder à aucun haut poste, ne bénéficieraient d’aucune subvention et n’auraient donc aucun poids sur les décisions de Bruxelles.
Les polémiques, habituelles au M5S vont alors bon train. Les jeux étaient faits selon certains, le message de Grillo étant on ne peut plus clair. Beaucoup de militants se sont étonnés qu’une alliance avec le groupe parlementaire des Verts n’ait pas été proposée au référendum online. Les divisions au sein du parti se font de plus en plus sentir.
C’est d’autant plus vrai depuis la –relative- défaite du MoVimento 5 Stelle au scrutin européen du 25 mai dernier. La campagne contre les politiques d’austérité imposées par Bruxelles et l’appel d’un retour à la monnaie nationale n’ont que moyennement fonctionné dans une Italie pourtant extrêmement critique quant à l’Europe institutionnelle. Alors que Beppe Grillo promettait un véritable tsunami, le mouvement n’a récolté que 21,2 % des voix aux européennes, loin derrière les 40,8 % du Partito democratico de Matteo Renzi. Malgré sa deuxième place, le MoVimento 5 Stelle a perdu trois millions de voix par rapport aux législatives de février 2013.
Cette défaite, difficile à avaler pour l’ex-comique génois l’a d’ailleurs amené à lâcher du lest. Sur un billet publié sur son blog, Beppe Grillo a reconnu la légitimité du président du Conseil. "Renzi a été légitimé par un scrutin populaire et non pas par la majorité des votes de la direction du Partito democratico" peut-on lire. Et d’ajouter : "Quelque chose a changé". Le MoVimento 5 Stelle serait, à présent prêt à un rapprochement afin de discuter de la réforme de la loi électorale, mise en place par le Premier ministre.
"Nigel Farage n’est pas raciste"
Difficile donc d’y voir clair quant à la stratégie du mouvement de Beppe Grillo. D’un côté, il tend la main au centre-gauche et s’est même allié à la gauche radicale pour remporter l’élection municipale de Livourne en Toscane, pourtant bastion de la gauche. De l’autre, il reste sur sa ligne eurosceptique en s’alliant avec le très controversé parti Ukip britannique.
Concernant son rapprochement avec Nigel Farage, Grillo se défend : "Il n’est pas raciste" affirmait-il parlant alors du "sens de l’humour" du leader conservateur britannique. "Il veut contrôler les flux d’immigration en Europe comme nous". Un discours ambivalent pour celui qui ne se définit ni à gauche, ni à droite.
De son côté, Nigel Farage jubile et ne tarit pas d’éloges à propos de Beppe Grillo. "En politique, j’ai rencontré beaucoup de personnes ennuyeuses et grises. Grillo est leur antithèse" répondait-il au quotidien Il Fatto Quotidiano. Malgré leurs divergences idéologiques, la stratégie politique l’emporte. "Ce n’est pas un mariage, mais une union libre" précisait le très propre sur lui leader de l’Ukip. Mais Nigel Farage a encore du pain sur la planche s’il veut constituer son groupe eurosceptique au Parlement européen. Avoir attiré Grillo dans ses filets est un bon début mais il devra compter sur d’autres alliances pour former son groupe, qui doit compter des députés d’au moins sept pays. Une tâche qui risque s’avérer assez difficile.
Au sein du MoVimento 5 Stelle, les discordances se sont fait sentir. A l’instar de Giulia Sarti, députée, qui se disait choquée par une alliance entre son mouvement et l’Ukip britannique. "Sa campagne m’a dégoûtée encore plus que celle de Le Pen" s’était-elle offusquée. Le mouvement de Beppe Grillo, qui affiche déjà sa liberté dans un groupe parlementaire qui n’a pas encore vu le jour affirmait, par la voix de l’eurodéputé Ignazio Corrao : "Nous serons libres dans le groupe et sur beaucoup de points, nous voterons avec les Verts". Drôle de stratégie.
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