C’est l’affaire qui agite l’Italie depuis quelques jours. Un vaste système de corruption autour de l’attribution des marchés publics d’EXPO 2015 a été dévoilé. Sept personnes, parmi lesquelles des politiques, des entrepreneurs et des dirigeants de l’événement ont été mises en examen. Certaines d’entre elles avaient déjà été citées il y a vingt ans dans une autre affaire de corruption d’ampleur. Le scandale, pris très au sérieux est devenu une affaire d’Etat puisque Matteo Renzi s’est rendu en urgence à Milan hier. Des mesures de contrôle renforcées ont été prises mais EXPO 2015 essuie quand même un revers important.
"L’Etat est plus grand et plus fort que les voleurs". C’est ce qu’a déclaré Matteo Renzi hier mardi 13 mai lors de sa venue à Milan à propos des enquêtes en cours qui ont révélé le scandale des pots-de-vin et amené à la mise en examen de sept prévenus haut placés.
Le contexte
La bombe a été lancée jeudi 8 mai. Une vaste affaire de corruption aurait été découverte grâce à des contrôles stricts qui encadrent l’organisation d’EXPO 2015. Selon les premières informations émanant de la police, un large processus mafieux consistant à ponctionner les entreprises en échange de contrats aurait été mis à jour.
Sept personnes, immédiatement mises en examen seraient donc impliquées. A la tête de cette entreprise illégale mafieuse, on retrouve Gianstefano Frigerio, ancien député Forza Italia (le parti de Silvio Berlusconi, ndlr). Déjà impliqué, il y a 20 ans dans l’affaire d’Etat "Mani pulite" (Mains propres), il aurait monté ce système de corruption avec Primo Greganti, membre du Partito democratico (le parti de Matteo Renzi, ndlr) lui aussi mis en cause à l’époque et tout juste exclu du parti. Une coïncidence pour certains, une évidence pour les autres. Parmi les autres personnalités impliquées, on retrouve Angelo Paris, responsable de l’Ufficio contratti d’EXPO 2015 spa (la société qui gère l’exposition universelle), autrement dit le directeur des travaux de l’événement. Egalement mis en examen, Luigi Grillo, ancien sénateur Forza Italia ou Antonio Rognoni, ancien directeur des Infrastructures Lombardes ainsi qu’Enrico Maltauro, entrepreneur et Sergio Catozzo, homme politique de Ligurie.
Interrogatoires des sept prévenus
Lundi 12 mai, les interrogatoires des sept prévenus ont commencé dans la prison d’Opera, au sud de Milan. L’entrepreneur Enrico Maltauro aurait admis avoir attribuer des pots-de-vin aux représentants de la "cupola" qui géraient de manière illégale les marchés publics d’EXPO 2015 mais aussi d’autres travaux publics dans la province de Milan. Il aurait demandé à être réentendu afin de clarifier sa position. La Maltauro spa est l’une des plus importantes entreprises de construction d’Italie et a déjà fait l’objet d’une enquête dans les années 1990 concernant une affaire de corruption. L’implication d’ Enrico Maltauro serait confirmée par une vidéo qui montre une rencontre entre l’entrepreneur et l’ancien secrétaire régional ligure de l’Udc (Unione di Centro), Sergio Catozzo. Sur la bande, les deux hommes se trouvent alors Corso Sempione, dans le centre de Milan et Maltauro aurait dit "Moi, j’ai ça, il y a 15.000 euros". S’ensuit un échange d’enveloppe.
D’après les révélations faites, ce serait le trio Frigerio-Greganti-Grillo qui aurait voulu faire des affaires avec les services publics de la province de Milan et ainsi élargir leurs intérêts sur l’EXPO 2015 et différentes branches du secteur public milanais. Pour ce faire, ils auraient noué des liens étroits dans le monde politique, à tous les niveaux et dans toutes les formations. Des attributions de contrats et une volonté de mainmise sur différents marchés seraient essentiellement l’œuvre de Gianstefano Frigerio.
Selon certaines sources judiciaires de l’enquête, plus d’un demi milliard d’euros, correspondant aux différents marchés publics sur lesquels la "cupola" aurait jeté son dévolu seraient concernés par cette entreprise frauduleuse mafieuse.
Une affaire d’Etat
Alors qu’EXPO 2015 ouvrira ses portes dans moins d’un an, cette affaire de corruption gâche l’engouement qui était jusque là de mise. A peine l’affaire a été rendue publique que Giuseppe Sala, Commissaire Général d’EXPO 2015, pourtant non impliqué dans le scandale pensait démissionner de son poste. "Son intention, évidemment, au début était d’abandonner" a confié Roberto Maroni, président de la région Lombardie avant une rencontre avec le maire de Milan, Giuliano Pisapia qui avait pour but de prendre des décisions rapides afin éviter d’éventuels blocages des travaux. Mais les deux hommes ont confirmé leur entière confiance en Giuseppe Sala qui a décidé la mise à l’écart et le remplacement d’Angelo Paris, impliqué dans cette sombre affaire.
Hier, Matteo Renzi s’est rendu à Milan pour participer à une réunion d’urgence au siège d’EXPO 2015 avec Giuliano Pisapia, le maire de Milan, Roberto Maroni, président de la région Lombardie, Paolo Tronca, Préfet de Milan ainsi que Giuseppe Sala, Commissaire Général d’EXPO 2015. Etaient également présents Maurizio Lupi, ministre des Infrastructures et des Transports et Maurizio Martina, ministre des Politiques Agricoles, Alimentaires et Forestières ainsi que Raffaele Cantone, président de l’ANAC (Autorité Nationale Anticorruption et pour l’évaluation et la transparence des administrations publiques).
Cette réunion d’urgence, présidée par le Premier ministre lui-même avait pour but de prendre des décisions rapidement afin que l’exposition universelle ne devienne pas le révélateur de la corruption en Italie. Les procédures judiciaires étant très longues, il s’agissait de montrer à l'opinion publique que cette affaire qualifiée de mafieuse ne concernait pas toute l’organisation d’EXPO 2015 mais uniquement quelques brebis galeuses.
Trois décisions ont donc été prises hier. Tout d’abord, un bureau pour la coordination technico-administrative verra le jour. Il aura la charge de vérifier que tout ce qui est investi l’est en faveur de l’exposition universelle. Deuxièmement, l’ANAC et son président Raffaele Cantone assumeront la supervision des procédures et de leur transparence administrative. L’Autorité Anticorruption veillera également à la légalité des appels d’offres concernant l’attribution des marchés publics. Enfin, d’ici la prochaine Assemblée générale du 4 juin, les compétences de la province de Milan seront redéfinies.
Afin que les travaux d’EXPO 2015 se poursuivent dans des conditions normales, un nouveau Directeur général des travaux a été nommé pour remplacer Angelo Paris, mis en examen. Il s’agit de l’actuel Directeur général des Opérations d’Italferr, la société publique d’ingénierie ferroviaire, Marco Rettighieri.
Lepetitjournal.com
A peine la nomination de Milan comme lieu de l'Expo Universelle annoncée, la Camorra fortement implantée dans la région avait
déjà avancé ses pions....