La Cour des comptes italienne reproche aux agences de notation de ne pas avoir pris en compte la valeur du patrimoine artistique et culturel du pays au moment de dégrader sa note. L’édition numérique du Financial Times l’a annoncé mardi dernier, non sans une bonne dose d’ironie : “L’Italie accuse S&P de ne pas considérer la dolce vita” titrait l’article. Le débat qui a suivi a le mérite de rappeler que le thème de la valorisation du patrimoine est plus que jamais d'actualité.
Une capture d’écran du site du Financial Times
La Cour des comptes estime que les Agences de notation auraient dû tenir compte de la valeur du patrimoine culturel et artistique du pays quand elles ont décidé de revoir à la baisse la note de la dette souveraine italienne entre mai 2011 et janvier 2012. L’institution portera donc plainte contre Standard & Poor’s, Moody’s et Fitch dans les semaines à venir ? Afin de répondre aux premières indiscrétions qui circulent depuis quelques jours, le Procureur régional du Latium a tenu à préciser que l’enquête judiciaire est encore en cours, qu’un non-lieu pourrait être prononcé, et qu’il est encore trop tôt pour indiquer le montant de la somme que l’Italie pourrait réclamer aux agences de notation. Une somme considérable en tout cas, car la presse parle de 234 milliards d’euros.
Beaucoup de bruit pour rien ? Fabrizio Saccomanni, le ministre italien de l’Economie et des Finances, reste prudent et se limite à souligner le poids excessif pris par les agences de notation américaines. L’argumentation de la Cour des comptes peut en effet paraître discutable. Comment calculer la valeur de l’immense patrimoine artistique et culturel italien ? Et surtout, comment l’intégrer dans une notation basée sur l’analyse des chiffres économiques et financiers du pays ? Plus important encore, tout cela laisse sous-entendre de manière implicite que le patrimoine italien est considéré comme un bien susceptible d’être vendu. Plusieurs voix se sont immédiatement élevées pour dénoncer cette approche ainsi que la vision déformée du travail des agences de notation qui en découle.
Les ministères de la Culture et du Tourisme viennent d’être unifiés : avec ses 136 milliards d’euros, le tourisme représente 8,6% du PIB italien.
L’hostilité des Italiens vis-à-vis des agences de notation américaines ne date pas d’hier, et elle est en quelque sorte compréhensible. Incapable de faire les réformes structurelles rendues plus que jamais nécessaires en raison de l’ampleur de sa dette et contrainte à emprunter à des taux d’intérêt élevés en raison de sa note dégradée, l’Italie a payé le prix fort de la crise. Les mesures draconiennes imposées par Mario Monti pour parvenir à l’équilibre budgétaire, les plans d’austérité successifs et une forte imposition fiscale ont vidé le pays de ses forces. Mais quel a été le véritable rôle des agences de notation dans la crise de la dette européenne ? Ont-elles fait correctement leur métier ou ont-elles au contraire amplifié les difficultés des pays les plus vulnérables en multipliant les décisions négatives ?
Le sujet est brûlant, il est aussi très complexe. Mais le débat a le mérite de mettre en évidence le rôle que la culture pourrait jouer pour relancer l’économie italienne. Au fond, la question n’est donc pas de savoir si les agences de notation auraient dû intégrer le patrimoine artistique et culturel dans leur analyse au moment de noter l’Italie, mais plutôt si ce patrimoine est aujourd’hui suffisamment valorisé. "Avec la culture, on ne mange pas" avait déclaré Giulio Tremonti, ministre de l’Economie du dernier gouvernement Berlusconi. Une gestion intelligente et efficace du patrimoine pourrait pourtant facilement démentir cette affirmation.
SOURCE: Lepetitjournal.com