ʺOgni scarrafone è bell’a mamma soja !ʺ dit le proverbe napolitain. ʺTous les cafards sont beaux aux yeux de leurs mamansʺ pourrait-on traduire. Ce serait omettre l’accent méditerranéen qui connote l’importance traditionnelle et sociale de la mère de famille dans les pays du Sud de l’Europe. Comparant la ʺMammaʺ à la ʺMamanʺ, lePetitJournal.com se penche sur les visages, réels ou caricaturés, que revêt ce personnage central en France et Italie.

Une Mamma authentique
Exploitée à l’usure par les marques et les clichés italiens, l’image de la mère de famille méridionale se perd entre réalité et la représentation que l’on en donne. Chez eux ou à l’étranger, les Italiens s’enorgueillissent de leurs traditions, notamment culinaires, et sont souvent favorables à l’idée de les perdurer. Le rayonnement culturel de la péninsule relaie d’ailleurs ce stéréotype : Federico Fellini, le plus célèbre réalisateur du pays, a joué à l’envi de l’image d’une Mamma généreuse, haute en couleurs, matrone aux fourneaux.

Pourtant, les chiffres ont de quoi surprendre. La mère de famille moyenne en Italie n’est pas flanquée d’une tripotée de bambins, mais d’1,19 très exactement. Un taux de natalité qui a été diminué de moitié en 10 ans, de 1970 à 1980. L’image serait-elle datée ? L’Italie des valeurs catholiques, la veuve sicilienne, la terrible belle-mère, appartiennent-elles au passé ? Et surtout, pourquoi ces archétypes n’ont-ils pas tant survécu en France, où les traditions sont et ont toujours été remarquablement comparables ?

Une série de paradoxe supplante ce phénomène qui, dans une certaine mesure, ne peut se substituer aux clichés français. La maman française revêt à l’international une personnalité largement domestique et maternelle. Pourtant il est vrai que le taux d’emploi des femmes est à l’avantage de l’Hexagone : 66% des Françaises travaillent en 2010, pour 51% des Italiennes – loin derrière les imbattables Suédoises et Finlandaises, quasiment égales aux hommes sur ce plan.

Un lourd débat, mené au féminin
Le (semi-)cliché de la Mamma doit être abordé d’un point de vue masculin. Si les images d’Epinal de cette dernière sont si diffusées, c’est parce qu’elles proviennent souvent des hommes. Si elles sont tant discutées, c’est parce qu’elles provoquent souvent la colère des femmes les plus hostiles à cette généralisation. Celle-ci est parfois sympathique, parfois franchement misogyne – la télévision berlusconienne n’y est pas étrangère. Les publicités diffusées sur les écrans italiens sont hautement discutables ces dernières années, mettant régulièrement en scène une femme confinée à un espace domestique anachronique, une héroïne du nettoyage (vidéo).

La réaction féministe a largement contribué à modifier le système social du pays, déplacé de la base de la famille nombreuse à celle de l’enfant unique en un temps record. Elle explique le fait que l’irrévocable décennie 1970-1980 ait remédié en grande partie au retard de l’Italie, grâce au développement considérable du système des garderies, de la sécurité de l’emploi et du travail à temps partiel. En France, terre du féminisme, ces revendications sont nées à l’aube des années 1950. Les femmes, ayant travaillé en masse pendant la guerre, obtiennent l’adoption de mesures pour les égalités des salaires quelques années seulement après la fin de cette dernière. La parité politique est désormais un sujet central au sein du débat public français.

En Italie, les mouvements féministes battent leur plein encore aujourd’hui. Le cliché du machisme est un argument réel pour les nombreuses manifestations qui s’efforcent de revendiquer les droits de la femme.

S’il fallait ainsi comparer nos mamans à nos Mamme, on pourrait en effet plaindre ces dernières, statistiquement les plus insatisfaites d’Europe quant à leur situation. Bien évidemment dans les deux pays, l’image de cette mère si traditionnelle donne du fil à retordre aux femmes travailleuses. Cependant, les Italiennes ont en moyenne moins d’enfants qu’elles ne le désirent (3 dans l’idéal) et travaillent moins que devrait leur permettre théoriquement ce taux de natalité. Le système est encore loin d’être ajusté et le paradoxe est flagrant quand on le compare aux données françaises. Les mères de l’Hexagone travaillent plus pour une moyenne de 2,07 enfants par femme : le taux de natalité le plus fort d’Europe.

Mamma et mammone : problème typiquement italien ?
Une réalité sociale et culturelle donne raison à l’image de la Mamma, telle qu’on l’aime et la craint : celle des mammoni, soit 57% des Italiens, pour 20% en France. Sympathiques fils à maman, ils résident chez leurs parents quand se profile la petite trentaine (25-30 ans). Victimes involontaires de la précarité des emplois, des difficultés de logement et du recul de l’âge du mariage, ils revendiquent par ailleurs et sans pudeur, le fort lien affectif qui les attache à leurs mamans. La Mamma à dire vrai, n’est plus tant la mater familias que la protectrice de son fils chéri, souvent enfant unique, quand les filles sont nettement plus indépendantes en Italie. Au contraire, la Maman française est à la tête d’une petite famille sans véhiculer cette image de mère-poule. Cette dernière est en tout cas absente des archives du web et de plus en plus souvent des publicités - où le père joue régulièrement le rôle de fin gourmet.

Réciproquement, l’affection avouée du fils italien pour la mère participe au moins en partie au phénomène des mammoni. Autour de nous, elle se présente sous la forme de petites marques d’attention au quotidien, qui font sourire, indéniablement exotiques. Nombre des 18-30 ans ne manquent pas de vanter les recettes de leur mère, voire de les comparer à celles de leurs conjointes. Quand vient le temps de partir de chez eux, les valises sont remplies de spécialités régionales cuisinées avec amour. Beaucoup d’entre eux apprennent très tard à laver leur linge – mais n’ont peut-être rien à envier ici à leurs homologues français ! L’on s’autorise à plaindre les belles-filles italiennes qui, très souvent, hébergent une grand-mère. Les retraites sont, depuis toujours, généreusement prévues à cette fin par le système politique italien, à l’inverse des allocations chômage, basses en prévision du même phénomène mammone ! Mais n’oublions pas de nous montrer redevable à ces mères qui apprennent généralement à cuisiner à leurs fils.

source: lepetitjournal.com

PS Et qu'est ce qu'elles en pensent les "mamma italiana" dell'estero

Merci pour ce texte