Fête traditionnelle vénitienne datant de l’époque du moyen Age, le Carnaval de Venise est devenu depuis sa réapparition en 1979 une attraction touristique planétaire. Jann Van Brugge, photographe professionnel et amoureux inconditionnel de la cité flottante nous livre son impression sur cet événement en s’appuyant sur son expérience personnelle et familiale. Il nous explique notamment pourquoi Venise ne peut aspirer à devenir la capitale européenne de la culture.

Une histoire de famille
"J’ai débarqué pour la première fois à Venise il y a une dizaine d’années à l’occasion du carnaval. Depuis j’y retourne 4 à 5 cinq fois par an". Entre Jann Van Brugge et Venise, c’est une véritable histoire d’amour qui s’est construite au fil du temps. Ingénieur de formation, ce passionné de photographie, "né avec un appareil dans les mains", décide de se consacrer entièrement à sa passion en 2003 et créé très rapidement sa propre agence de photographe professionnel. L’opportunité idéale de conjuguer sa passion du carnaval de Venise et son nouveau métier.

Cet amour pour la cité vénitienne, Jann Van Brugge ne le partage pas seul : sa femme et ses cinq enfants sont à chaque rendez-vous de février tous costumés et ne manquent jamais de l’accompagner lors de ses nombreux voyages italiens. "C’est comme une drogue", nous raconte-t-il, "une fois repartis, nous pensons déjà aux costumes que nous confectionnerons pour l’année prochaine". Ce "virus", il l’a également transmis à plusieurs personnes de son entourage, toutes "séduites" par le concept de faire la fête par le déguisement.

La face cachée du Carnaval
Si aujourd’hui Jann Van Brugge et sa famille vouent un amour sans limites à la cité vénitienne et son carnaval, cette passion reste toujours à sens unique. Un constat similaire chez les quelque 200 autres "masques" qui ont décidé cette année, pour une grande partie d’entre eux, d’organiser un boycott des grandes manifestations en guise de protestation. Leurs revendications : "Etre reconnu pour notre participation active lors du carnaval et pouvoir ainsi contribuer à l’organisation de spectacles". "Il faut savoir que tous ces costumiers qui sont pris en photos par les touristes et la presse tout au long de la journée ne sont en aucun cas des salariés" tient à nous informer Jann Van Brugge.

Ces personnages, habillés de costumes colorés appelés "allégoriques", que nous pouvons retrouver sur les cartes postales et à la télévision, ce sont eux. 9 sur 10 sont français et dépensent en moyenne "1.250 euros par personne chaque année en costumes, voyages et divers frais d’hébergement". Les mêmes qui organisent bénévolement en France et en Belgique des journées vénitiennes afin de faire partager et promouvoir l’esprit du carnaval de Venise. "Une âme qui pourrait s’éteindre avec la politique actuelle de l’organisation qui tend à transformer cet événement en mascarade commerciale". Par exemple, chaque touriste qui souhaite accéder à la place Saint Marc pour assister au célèbre spectacle du Saut de l’Ange doit désormais s’acquitter de la somme de 20 euros. La location des costumes est également devenue un véritable business : compter en moyenne 500 euros pour un ensemble complet.

"Venise n’est pas une capitale européenne de la culture"

C’est dans ce contexte particulièrement tendu et avec tous ces éléments regroupés bout à bout que Jann Van Brugge milite aujourd’hui afin que Venise ne parvienne pas à obtenir le titre de "Capitale européenne de la Culture" en 2019. "Venise est indéniablement une capitale culturelle, mais en aucun cas une capitale européenne de la culture", revendique-t-il. "Les Vénitiens ne possèdent pas une culture d’accueil appropriée pour recevoir ce type d’évènement", nous confie-t-il pour justifier sa prise de position.

Alliant la parole aux actes, il recueille actuellement des témoignages et souhaite faire circuler une pétition du "non" qu’il transmettra à la Commission Européenne, toujours dans l’optique de faire échouer la candidature de Venise à ce titre. "Si l’on parvient à nos fins, les organisateurs du carnaval commenceront peut-être à s’intéresser à nous, à notre passion pour leur ville et cet événement festif". Et d’en rajouter pour rallier le grand public à sa cause : "Si c’est une autre ville italienne qui est sélectionnée, je convaincrai chaque masque de s’y rendre pour le carnaval local". Et ce n’est pas la ville de Turin qui vient tout récemment de déposer sa candidature qui devrait s’y opposer.

Laurent Maurel (www.lepetitjournal.com/rome)