Dans la terre des droits civils est toujours en vigueur le langage de l'Ancien Régime.
"Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs...": la formule pour s'adresser au public est toujours la même depuis plusieurs siècles. Tout le monde sait qu'elle est obsolète, mais on continue à l'utiliser dans des discours plus ou moins officielles. Et ces trois mots, "Madame, Mademoiselle, Monsieur", sont à choisir lors du remplissage de tout document, public ou privé: Isabelle Dupont dira si elle est en fait mariés ou non en remplissant un simple ordre sur Internet ou une demande de certificat au Commune. Dans le pays qui s'enorgueillit, souvent avec raison, parfois à tort, d'être le berceau des droits humains, les femmes sont encore cataloguées dans la langue de l'ancien régime. Bien sûr, dans le XVe siècle, Mademoiselle était la fille de Monsieur, frère du roi. Mais du XVIIe siècle, le terme a voulu indiquer une femme célibataire. Une discrimination, parce que personne ne songe, si en plaisantant, d'appeler un garçon "petit monsieur".
Pourtant, dans la France du 2011, les femmes doivent répondre, partout, à l'éternelle question: Mme ou Mlle? Et souvent, peut-être, ajouter le "nom de jeune fille", comme si prendre le nom du mari était la chose la plus logique dans ce monde. Pour cela deux organisations féministes ont soulevé la lutte pour la suppression du terme Mademoiselle, comme, longtemps, est en usage dans les pays anglo-saxons (où le préfixe Ms. a remplacé Miss o Mrs.), en Allemagne, où l'on ne s'adresse plus à une femme en l'appelant Fraeulein, et aussi en Italie, où, dans le formulaires publiques, l'on insére un nom et un prénom, pas un titre.
Cependant, la France est un pays très conservateur. Si dans le Québec des mots comme "auteur" et "écrivain", juste à deux exemples, ont été féminisés, en France "auteure" et "écrivaine" sont contrecarré par l'Académie Française et, encore, peu utilisées: l'on peut être "actrice", mais pas "auteure". Et puisque le langage est tout sauf que innocente, l'utilisation de madame ou mademoiselle renvoye les femmes à un statut social différent et supposé: celle des femmes mariées (comme on disait une fois, c'est-à-dire appartenant à son mari) ou pas. La même chose, disent les deux organisations féministes de la campagne («Les Chiennes de garde» et «Osez le féminisme»), s'applique au nom de jeune fille:«
Il est le vestige d'une ère dans laquelle les femmes étaient considérées comme des mineures et ne pouvaient rien faire sans le consentement du mari».
En théorie, la campagne n'a aucune raison d'exister: plusieurs circulaires publiées entre 1967 et 1974, ont déjà résolu la question. En fait, cependant, madame et mademoiselle sont encore la règle. Il y a besoin d'une loi? Non, disent les promoteurs de la campagne. Surtout puisque différents documents officiels, pendant de nombreuses décennies, ont indiqué que les deux termes n'ont aucun fondement juridique. Il suffit une nouvelle circulaire visant à interdire sérieusement la distinction Mme/Mlle dans l'administration publique. Par exemple, dans les banques où, sur le chéquier, l'on ne peux pas mettre mademoiselle si l'on n'est pas mariés.
Histoires de sexisme ordinaire, disent les organisations féministes: "
à un homme l'on demande s'il est marié?". En fait, l'on ne le demande pas, du moins pas à remplir n'importe quel formulaire. Une bataille essentielle? Selon certaines féministes, comme Olivia Cattan, pas vraiment: il est préférable de lutter contre la violence et la discrimination plutôt que pour une réclamation sémantique, même si injuste.