Si les sondages sont pour l'instant favorables à Pier Luigi Bersani, sa candidature aux prochaines élections est fragilisée tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de son camp. Le chef de file du centre-gauche doit composer avec des alliés instables, mettant à mal la composition d'un futur gouvernement.
Pas un habitant de Rome ne peut y échapper. Alors que la technique est strictement encadrée en France, la propagande électorale aux couleurs de Pier Luigi Bersani a envahi les gares, les rues et les centres commerciaux de la capitale. Secrétaire du Pd depuis 2009, le candidat espère entrer au Palais Chigi si le centrosinistra remporte les élections des 24 et 25 février prochain. L'action gouvernementale ne lui est d'ailleurs pas inconnue puisqu'il a été ministre à trois reprises. En charge de l'Economie sous le gouvernement Prodi de 2006 à 2008, Bersani a veillé à libéraliser de nombreux pans industriels.
Son rêve de devenir Président du Conseil s'est concrétisé le 2 décembre 2012. À l'issue des primaires, Pier Luigi Bersani est désigné par près de 61% des militants comme le chef de file de la coalition Italia. Bene Comune. La formation Gauche, écologie et liberté (SEL), le Parti socialiste italien (PSI) et le Centre-démocrate (CD) se sont ainsi rassemblés derrière le Parti démocrate. Bersani a convaincu par son ton flegmatique, presque monocorde. L'électorat l'a préféré à la fougue de ses opposants, ne leur rappelant que trop l'impétuosité de dix-huit ans de berlusconisme.
Synthétisant à lui seul l'histoire de l'échiquier politique italien de l'après-guerre, Bersani incarne pourtant l'apparatchik que la jeune génération conteste. Cet ancien fonctionnaire du Parti communiste apparaît désormais comme un notable ayant perdu sa véhémence. Ses traits d’humour ne parviennent pas à cacher un manque de charisme évident. Arrivé second des primaires, le maire de Florence Matteo Renzi, n'a cessé d'appeler au renouvellement de la vieille garde du Pd, jugée trop libérale.
La normalitude à l'italienne
Si Pier Luigi Bersani ne fait pas l'unanimité dans son propre camp, il ne se décrit pas moins comme un homme "normal". Quand ses camarades de lycée s'en allaient étudier à Milan dans les années 1970, lui préférait rester à Bologne, chef-lieu de l'Emilie-Romagne d'où il est originaire. Jonglant sans cesse entre le socialisme et le catholicisme, le candidat du centrosinistra est profondément attaché à cette terre ouvrière où est né le personnage de Don Camillo. Pier Luigi Bersani veut être le porte-parole des opprimés.
Au cœur de son programme, la relance de la croissance et de l'investissement est louable mais flirte avec la schizophrénie. D'un côté, les contribuables espèrent que les impôts cessent enfin d'augmenter. De l'autre, Pier Luigi Bersani se heurte à la toute-puissance des marchés financiers, qui s'alarment dès que la dette du pays décroche. Face à une telle équation, ses propositions manquent d'innovations voire de ferveur. Celui qui a récemment plaidé pour l'instauration d'un salaire minimal cherche alors un allié européen pour sortir de l'austérité. François Hollande, premier des candidats "normaux", semble cependant de moins en moins prêt à s'insurger contre les pressions allemandes.
En dépit de ces contestations, Pier Luigi Bersani reste favori. Dernier sondage Tecnè pour Sky en date du 1er février, le centre-gauche est soutenu par 33,6% des électeurs, soit presque cinq points de plus que le centre-droit. Les listes Monti, créditées de 13,8% des intentions de voix, sont quant à elle dépassées par le Mouvement Cinque Stelle de Beppe Grillo à 15,7%. Le Pd est pourtant en net recul, entraînant son leader dans sa chute. Selon Swg pour Rai 3, 16% des Italiens préfèrent que Silvio Berlusconi devienne Président du Conseil tandis que 15% espèrent que Pier Luigi Bersani dirigera le pays dès début mars.
"Moi Président" ?
Si la candidature du Cavaliere était jusque-là considérée comme fantaisiste et improbable, les intentions de vote en sa faveur ont bousculé les rapports de force politique. Les joutes verbales de Silvio Berlusconi semblent encore convaincre un électorat apeuré par le manque d'unité du centrosinistra. La Gauche trop hétéroclite ne risque-t-elle pas de se déchirer en expérimentant le pouvoir ? L'instabilité ministérielle du gouvernement Prodi n'en avait été qu'un piètre exemple.
Un parlement bancal est à redouter car le centre-gauche n'est pas assuré d'obtenir une majorité absolue de sièges, notamment à la chambre haute. En vertu de la loi électorale, les régions les plus peuplées - Lombardie, Vénétie, Latium, Campanie et Sicile - désignent plus de la moitié des sénateurs. Or, elles sont les bastions électoraux de la droite. "Depuis des dizaines d'années, les ouvriers de Lombardie et de Vénétie votent pour la Ligue du Nord, les mères au foyer et les chômeurs du Sud soutiennent Berlusconi tandis que les étudiants et les précaires regardent du côté de Beppe Grillo", résumait le Corriere della Sera en décembre dernier.
Puisque la proportionnalité oblige les partis à s'entendre, une alliance avec le Centre pourrait permettre de gouverner sereinement. Faisant de Berlusconi leur unique ennemi politique, Bersani et Monti semblent avoir implicitement signé un pacte de non-agression. Le Professore réclame toutefois à la coalition de canaliser son aile gauche en s'éloignant de la CGIL, plus grand syndicat italien. Le SEL porté par Nichi Vendola, Président des Pouilles, défend à l'inverse des positions plus antilibérales et progressistes que l'Udc. Quand les attentes des électeurs sont troquées contre des portefeuilles ministériels, difficile alors de croire que les promesses de campagne seront tenues.
source: lepetitjournal.com