Si c'est l'unité nationale qui a amené l'homogénéisation des langues du pays vers l'italien d'aujourd'hui, cette uniformisation a sans doute largement contribué au sentiment d'identité nationale, bien au-delà de l'unité politique et administrative. Une unité linguistique qui ne s'est pas faite en un jour, et qui aujourd'hui encore connait des disparités.
Un peu d'histoire...
Il y a longtemps déjà, on parlait d'unité linguistique, celle établie par les romains qui imposèrent le latin sur les langues préexistantes. Mais l'usage oral variait d'une région à l'autre. Les invasions barbares laissèrent ensuite leur empreinte, et avant la Renaissance, la langue était ainsi formée de divers parlés locaux. Un modèle finit par se diffuser, le dialecte toscan, en raison de la puissance socio-économique de Florence, et aussi sous l'influence du poète Dante. Fin 1500, une langue écrite commune existait ainsi, mais l'usage des dialectes locaux dominait à l'oral. La division en petits états et la domination de puissances étrangères comme L'Espagne, la France et l'Autriche-Hongrie, favorisaient également ces divergences linguistiques.
Lors de l'unification, peu d'italiens parlaient l'italien, notamment en raison d'un taux d'alphabétisation bas. C'est avec l'unification politique que l'italien devint également langue orale, avec la création d'un système d'éducation nationale et la diffusion par la presse. Les dialectes sont tout de même demeurés le langage de la population jusqu'aux années 50 environ. Ensuite, il semblerait qu'utiliser le dialecte ait été stigmatisant, car renvoyant à une origine sociale inférieure.
Dans les années 50-60, le développement des médias et de la télévision favorisa l'homogénéisation de la langue, ainsi que la migration de beaucoup d'ouvriers du Sud au Nord, où leur dialecte était inintelligible, les obligeant à apprendre l'italien. Aujourd'hui, les dialectes ont perdu de l'importance, et l'UNESCO a même effectué le classement de ceux menacés à terme de disparaitre: l'emiliano-romagnolo, le ligurien et le lombard qui ont des u ([y]) arrondis comme en français, le napolitain et ses mots qu'on dirait abrégés, le piémontais, le sicilien, et le vénitien qu'on trouve pourtant encore dans la signalisation routière de la région.
Les dialectes et la langue officielle
Les dialectes sont cependant encore utilisés, et le déclin de cette utilisation ne les condamne pas forcément: 8,1% des 6-24 ans parlent encore le dialecte en famille. On distingue les dialectes d'Italie (non-reconnus officiellement, comme le piémontais, le napolitain, le vénitien...) et les dialectes de l'italien, variantes de la langue officielle (le sarde, le frioulan). Ces dialectes découlent d'une tradition familiale forte et d'un sentiment d'appartenance régionale. Mais l'italien est aujourd'hui prédominant, et même en famille, les deux langues sont utilisées: 45,5% de la population en 2006 parle principalement l'italien en famille, et l'utilisation exclusive du dialecte est passée de 32% de la population en 1988 à 16% en 2006.
Des disparités régionales subsistent, l'usage de l'italien est plus diffusé au Centre et au Nord-Ouest du pays, même si ces disparités tendent à diminuer. Au Centre, 63,6% des personnes parlent principalement l'italien, contre 28,3% au Sud et 32,8% sur les îles. Certaines régions restent très attachées à leur dialecte: plus de 70% des individus l'utilisent en Calabre, en Campanie, en Sicile et en Basilicate, et même au Nord, certaines zones font un usage dominant du dialetto: 69,9% de la population de la Vénétie et 64,1% dans la province de Trente. Les italiens sont attachés à leurs racines, et le dialecte est un vecteur d'identité régionale important. Le parti politique Lega Nord utilise ainsi volontiers les dialectes locaux pour fortifier le régionalisme de ses propositions.
La langue symbole de l'unité du pays
Malgré tout, les italiens sont aussi attachés à la langue officielle. Ceux qui émigrent continuent à l'utiliser, où qu'ils soient dans le monde, à Buenos Aires par exemple où subsiste la trace linguistique de l'immigration des italiens du Sud, et en sont généralement orgueilleux. On le voit aussi au faible pourcentage de personnes qui parlent une langue étrangère: si 56,9% de la population dit en connaitre au moins une, le niveau reste bas, et seul 5,7% seulement estime avoir un très bon niveau d'anglais. Encore une fois, les chiffres sont différents au Sud et au Nord: les régions où le niveau d'anglais est le plus bas sont les Pouilles, la Sicile, l’Ombrie, le Marche et les Abruzzes. Cet attachement linguistique constitue une part intégrante du sentiment d'identité nationale, et ce n'est pas pour rien que les italiens ont ajouté le critère de compétence en langue au relâchement des permis de séjour pour les étrangers. La langue, et ce malgré les disparités régionales, fait partie intégrante de la culture, de la civilisation et de l'identité italienne.